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  | La population face à l’Isère déchaînée |  
 
 
 La montée rapide des eaux et la  force exceptionnelle du courant pour une rivière de plaine, vont avoir des  conséquences désastreuses pour la population, que ce soit pour l’évacuation des  personnes menacées, leur approvisionnement en vivres, ou encore pour les  réparations et la remise en état de la ville après la crue. 
  
            Le combat contre les  eaux 
Plusieurs moyens sont utilisés  pour tenter de stopper la pénétration de l’Isère à l’intérieur de la ville. La fermeture des  portes de Bonne, des Alpes et Très Cloîtres, détourne une partie du débit à  l’extérieur des remparts. Mais l’eau « sortait  de tous côtés par le sol, par les canaux et les égouts », ainsi que  par les meurtrières, inondant les casemates. A défaut de maintenir l’eau à  l’extérieur de la ville, des efforts sont faits pour tenter de limiter le  volume entrant : des bourrelets en terre, colmatés de fumier, sont établis  à la hâte pour protéger les entrées d’immeubles ou retarder l’inondation de  certaines rues. « En vain, l’on  essayait par de faibles obstacles de l’empêcher d’entrer dans les magasins, les  rez-de-chaussée, les cours, les allées : tout était inutile, il fallait  céder », conclut J.J. Pilot de Thorey en novembre 1859. 
Crue de l'Isère du 2 nov. 1859 : dégâts aux stocks des commerçants et des militaires :   
   
Porter assistance aux gens 
L’armée occupe dès le 18ème siècle une place particulière dans la mobilisation des secours. En 1859, elle  porte secours aux habitants du hameau des Granges, au sud de la cité, tandis  qu’une compagnie s’affaire à la réparation de la voie de chemin de fer détruite  un peu plus en aval.  
La réquisition de mariniers pour  porter secours en milieu inondé a posé plus de problèmes. Selon la saison, la  présence de ces professionnels de l’eau dans la cité est aléatoire, de même que  le nombre de bateaux/radeaux, pourtant très utiles en ce début novembre 1859  pour porter assistance et distribuer des vivres aux personnes des quartiers  sous les eaux, inaccessibles par d’autres moyens. 
Les communications se faisaient  par quelques radeaux construits à la hâte, des planches, quelques rares  barquettes, des charriots, et surtout par des voitures à bras, que traînaient  des hommes ayant de l’eau jusqu’à la ceinture ou plus selon les quartiers. 
Ainsi, malgré les précautions  prises dès les premières heures, les radeaux et les barques manquent  rapidement. Cependant, par rapport à l’inondation de 1778, l’encadrement des  secours pendant l’inondation s’est amélioré.  
En 1859, l’engagement des  pouvoirs publics est total pour porter secours aux gens, comme nous le montre  le texte ci-dessous, reprenant le procès verbal des évacuations réalisées au  quartier de l’Île Verte :  
« L’activité d’une seule embarcation conduite par un gendarme, le garde  champêtre et deux mariniers aboutit, pour la matinée du 2 novembre, au  sauvetage de trente-huit  individus ;  chiffre à compléter par un certain nombre d’autres habitants également secourus  dans le même secteur. A elle seule, la barque du gendarme Marot aurait ainsi  évacué en quelques heures au moins cinquante personnes dans ce seul quartier et  au total, dans un large secteur au nord et à l’est de la cité allant jusqu’à  Saint Martin d’Hères et Gières, sans doute plus de cent cinquante entre le  milieu de la nuit et la fin de l’après midi. Rapporté au nombre d’embarcations  en activité, donc celle du secrétaire général de la préfecture, on parvient à  un total de plusieurs centaines de personnes – peut-être 500 à 600 – déplacées  à l’intérieur comme à l’extérieur de la cité. Cette mise en sécurité assurée, il restait  à résoudre la délicate question de l’approvisionnement en vivres ». 
D’après les documents retrouvés  dans les archives, l’événement de 1859 ne semble pas avoir posé de problème  particulier concernant la distribution des vivres, sans doute en raison de  l’amélioration générale des conditions d’approvisionnement. 
Crue de l'Isère du 2 nov. 1859 : la gestion de la crise par les autorités : 
 
  
 Mesures particulières et  enjeux sanitaires :  
Parmi les mesures prises par la  police, on peut citer la décision de maintenir les rues et places éclairées en  permanence pendant la nuit. Du  2 au 17 novembre, tandis que l’hôpital garde ses morts, les inhumations se font  provisoirement sur les fortifications, les cimetières à l’extérieur de la ville  étant sous 1.65 m  à 1.80 m  d’eau. 
Ces décisions sont prises dans un  contexte de montée des enjeux sanitaires. Les mesures clefs de l’hygiénisme sont  appliquées, comme la lutte contre l’augmentation de l’humidité dans les habitations  et sur les sols, et contre sa propagation à l’ensemble des vivres touchés par  les flots. Les risques d’apparition de maladies sont minimisés en limitant  toute exhalation putride par l’usage de courants d’air, de lavages, de  fumigations, du drainage, du feu et de l’enfouissement. 
Suite à la décrue, les pouvoirs  publics prennent les précautions d’usage, en purgeant les fosses d’aisance et  en évacuant la boue des rues et des habitations. Vingt-et-un agents sont  chargés du nettoyage de la cité, tandis que des soupçons pèsent sur la vérification  de l’état sanitaire des vivres entreposés chez les commerçants. Malgré ces  précautions, des cas de fièvre apparaissent quelques jours plus tard dans la  plaine. 
  
Le temps des réparations et l’aide aux  démunis de l’inondation 
Dans les semaines qui suivent l’inondation,  la mairie de Grenoble accueille plusieurs listes de souscriptions. Dès le début  du 19ème siècle, et contrairement au temps de l’Ancien Régime où les  aides financières directes sont rares, ces listes vont permettre sous contrôle  des commissions de secours, une aide aux sinistrés. En marge de quêtes  spéciales, le bureau de charité de la ville organise à cette occasion une loterie  de tableaux et d’objets d’art, dont les bénéfices sont versés au fonds des  inondés. L’État prend en charge les deux tiers des frais de réparation en  urgence le long de l’Isère en amont et en aval de Grenoble, soit 200.000  francs. En revanche, les 38 communes sinistrées ne reçurent que 20.000 francs  d’aide de l’État, sur les 620.000 francs environ de pertes, soit 1% des secours  débloqués à l’échelle national. La ville de Grenoble, dont les dégâts chez les commerçants  se montent à plus de 116.000 francs, obtient seulement 3.700 francs. Seuls les  besoins de première nécessité sont couverts par les aides réellement délivrées  aux sinistrés.  |