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Initiatives locales & bonnes pratiques

L’intégration des acteurs locaux dans la planification pour une meilleure gestion de crise

Publié le 27 mai 2021

Par Victor Zimmermann

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L’intégration des acteurs locaux dans la planification pour une meilleure gestion de crise
Carte des secteurs et des vulnérabilités de la commune de Bonneville © Victor Zimmermann, 2020

En France, le préfet et le maire ont la charge de protéger les citoyens et d’assurer l’alerte de la population en cas d’évènement grave menaçant leur sécurité. Au regard des changements climatiques actuels ou d’évènements historiques, les moyens des services publics ne permettent pas toujours, à eux seuls, d’obtenir un dispositif de gestion de crise adapté à la réalité du terrain au niveau local et en capacité, dans les premières heures, de faire face à l’ensemble des besoins. En conséquence le citoyen, en tant qu’habitant, membre d’une association ou encore en tant que professionnel au sein d’une entreprise, est de plus en plus mis en avant comme un acteur à part entière dans la gestion de la situation.

Améliorer l’implication du citoyen en tant qu’acteur de sa propre sécurité

Si l’on se penche sur l’actualité, un élément, aussi ancien que nos sociétés, n’a été que peu exploité dans nos modes de gestion et au sein des documents communaux de planification de sécurité civile : la solidarité à l’échelle locale. « Durant les grandes inondations, c'est au niveau local que s’organise l'entraide : c’est entre voisins qu’on se dépanne. » [1]. Lorsqu’un évènement se produit, il n’y a pas que les services de secours, la mairie et les forces de l’ordre qui participent, mais également la population, les entreprises, les associations etc. Leur implication est naturelle, puisqu’il s’agit de leur environnement de proximité. Nous le relevons très souvent dans l’actualité, où des aides « réflexes » de divers acteurs locaux se mettent aussitôt en place. L’éventail imprévisible des risques, par essence « incertains » [2], impose « une vraie réflexion » sur cette préparation à la gestion « de crise » pour qu’elle puisse élargir les réponses et s’adapter aux multiples formes de l’aléa : « Nous devons sans doute lancer une vraie réflexion, individuelle et collective, qui nous permettrait d’adapter nos réactions aux crises, à grande échelle, et de manière plus locale. » [1]. Ainsi, préparer en amont l’implication locale en cas de « crise » permettra d’apporter des soutiens matériels, logistiques ou humains essentiels et d’en assurer facilement la coordination.

Préparer en amont l’implication locale en cas de « crise » permettra d’apporter des soutiens matériels, logistiques ou humains essentiels et d’en assurer facilement la coordination.

De plus, l’intégration des acteurs locaux (publics ou privés), dans la planification locale de la réponse de sécurité civile est probablement une solution complémentaire à d’autres, pour améliorer l’implication du citoyen en tant qu’acteur de sa propre sécurité et contribuer ainsi à une meilleure diffusion de la culture du risque au sein de la population.

Comment impliquer des acteurs locaux et planifier leurs actions dans la gestion de crise ?

Cette réflexion s’est développée au travers de mon mémoire de fin d’études lors de mon stage de refonte du Plan communal de sauvegarde (PCS) sur la commune de Bonneville en Haute-Savoie. Un PCS est un outil communal qui a pour but de prévoir et de mettre en place des outils opérationnels pour sauvegarder les populations, les biens et l’environnement face à un événement de sécurité civile. J’ai pu acquérir une meilleure compréhension de l’organisation de celui-ci et notamment sur des aspects opérationnels : organisation communale de crise, diagnostic des risques, cartographie opérationnelle, implication des agents territoriaux ... et implication des acteurs locaux (gestionnaire des digues, services de secours, associations agréées de sécurité civile, activités économiques riveraines des aléas, associations locales etc.). Ces travaux m’ont permis de collecter des expériences et de nourrir mes questionnements.

Un PCS est un outil communal qui a pour but de prévoir et de mettre en place des outils opérationnels pour sauvegarder les populations, les biens et l’environnement face à un événement de sécurité civile.


Le principe de ce travail était de chercher à élaborer un modèle systémique relatif au PCS dont le fonctionnement peut permettre d’anticiper les crises et de s’adapter à un plus grand nombre d’événements en tenant compte des acteurs non-institutionnels.

Des interactions entre acteurs institutionnels et acteurs locaux « non-institutionnels »

L’intégration d’acteurs locaux non-institutionnels dans la démarche de planification des acteurs conventionnels peut considérablement renforcer le dispositif de gestion de crise et ses moyens, dans le temps et dans l’espace.

Exemple : Les bénévoles d’une association sportive ou culturelle qui n’ont pas été impacté par un évènement pourront venir prêter main forte aux élus et agents communaux pour soutenir les personnes sinistrées et gérer différentes tâches durant la phase de « retour à la normale » en complément des associations agréées de sécurité civile et des services publics engagés.

Pour alimenter les réflexions sur ce sujet, il a fallu d’abord rechercher les dysfonctionnements récurrents durant une « gestion de crise » au niveau local, puis procéder à une enquête auprès d’acteurs communaux et de partenaires (élus, agents communaux ou intercommunaux, services de secours, Croix-Rouge française, associations locales etc.).

Une frise chrono-systémique qui met en évidence des « faiblesses » dans le déroulement d’une crise et précise les lieux et les modalités d’actions des acteurs locaux.

Après compilation et comparaison des données récoltées, elles ont été représentées sur une frise chrono-systémique [figure 1], qui met en relation les actions et évènements durant une crise avec les différents acteurs impliqués. Elle permet de mettre en évidence des « faiblesses » dans le déroulement d’une crise tout en précisant les lieux et les modalités d’actions de ces acteurs locaux.On remarque que les acteurs conventionnels ne permettent pas, à eux seuls, de répondre efficacement à l’ensemble des actions attendues sur certains points (information préventive, complément pour le soutien aux populations, participation au retour à la normale, transmission des messages de vigilance …).

Certains ont d’ailleurs de nombreuses compétences et des moyens variés, comme les Associations Agréées de Sécurité Civile (AASC) ou encore les gestionnaires de rivières et de digues (pour un évènement type inondation) mais dans les faits ces derniers ne pourront pas toujours répondre à toutes les actions dans l’urgence par manque de moyens par exemple. La participation d’acteurs extérieurs locaux permettrait d’agir sur un très large ensemble d’actions, pouvant soulager les acteurs conventionnels et compléter leur action, en sachant que le dispositif de gestion de crise demande de plus en plus de moyens au fur et à mesure que la crise monte en intensité ou dure dans le temps.


[Figure 1 : Frise chrono-systémique des apports des acteurs locaux dans les phases de la gestion de crise, Victor Zimmermann, 2020]

Mais, quels acteurs locaux impliquer dans l’organisation de crise ? Et comment les préparer ?

Pour modéliser l’intégration des acteurs locaux dans cette organisation locale de gestion de crise, les personnes enquêtées ont identifié quels types d’acteurs extérieurs pouvait être intégrés et de quelle manière. L’objectif final étant de mieux cerner les acteurs à impliquer dans la planification locale de sécurité civile et de préparer avec eux cette intégration (documents opérationnels, préparation, formation etc.).

Le Poste de Commandement Communal (PCC) est le lieu principal où se coordonnent les actions à l’échelle de la commune avec les ressources de celle-ci (élus, agents territoriaux, services techniques, police municipale, etc.) grâce à des cellules opérationnelles thématiques (sécurité, soutien, communication …). Le PCC et ses cellules de terrain composent un système principal qui peut être complété avec des sous-systèmes, composés d’acteurs extérieurs locaux (population, entreprises, associations etc.) [Figure 2]. Cette représentation, sous-forme d’organigramme, permet d’une part de visualiser l’organisation à prévoir au niveau local (dans le PCS) et d’autre part de réfléchir aux modalités de coordination en cas d’évènement. Ce type de document doit être ensuite complété (dans un PCS) par des annuaires, éventuellement des fiches « missions » et les documents opérationnels pratiques qui seraient utiles.

Le Poste de Commandement Communal (PCC) et ses cellules de terrain peut être complété par des acteurs extérieurs locaux (population, entreprises, associations etc.)

Au-delà de la préparation documentaire, la préparation « opérationnelle » des acteurs non-conventionnels par de la formation et des exercices est essentielle. Ainsi, pour la plupart des enquêtés, la participation d’acteurs locaux non préparés (information, formation, entraînement …) est apparue comme une erreur et ce constat paraît évident. Cette problématique est identique à ce qui peut être mis en œuvre dans le cadre d’une réserve communale de sécurité civile (RCSC) qui peut être un dispositif redoutable s’il est bien préparé et que les réservistes, citoyens bénévoles et volontaires, sont formés, entraînés et équipés.

Vient également s’ajouter un problème majeur de sécurité : une personne extérieure ne possède pas d’équipement de protection individuel [3], ou rarement et ne sait pas forcément les utiliser le cas échéant. Il s’agit alors d’adapter leurs missions à leurs capacités et moyens en amont de la crise (dans le cadre de la préparation).

Le PCS est donc l’outil idéal pour préparer l’implication des acteurs locaux puisqu’il permet d’établir un état des lieux sur les acteurs qui peuvent être impliquer, de travailler aux modalités d’organisation (documents PCS + documents remis aux acteurs locaux) puis d’organiser des actions de formation et/ou d’exercice. La mise à jour du PCS permet aussi une mise à jour régulière des inventaires et annuaires qui recensent les moyens présents sur la commune avec une emprise locale et une relation directe aux acteurs du territoire.


[Figure 2 : Schéma de la coordination entre les acteurs du PCC et les acteurs locaux, Victor Zimmermann 2020]

Et, comment coordonner ces différents acteurs ? un rôle pour le « responsable de secteur »

Pour faciliter les échanges d’informations et la coordination entre le PCC et les acteurs locaux non-conventionnels durant la crise, la désignation d’un responsable de secteur [4] est la solution régulièrement retenue par les enquêtés : il s’agit d’une personne relais se trouvant dans chaque quartier de la commune. Il sert d’intermédiaire et rend fluide la gestion de crise.

Pour faciliter les échanges d’informations et la coordination entre le PCC et les acteurs locaux non-conventionnels durant la crise, la désignation d’un responsable de secteur est la solution.

Ces sous-systèmes (les secteurs) peuvent être définis par quartier. Ils sont très souvent identifiés lors de la création du PCS et sont construits en fonction de leurs topographies, des caractéristiques locales et des emprises de risques auxquels ils sont soumis. Ils n’ont pas les mêmes vulnérabilités et n’ont pas les mêmes ressources locales. Certains quartiers, sont plus autonomes : s’y trouvent par exemple des entreprises de différentes tailles, des locaux associatifs ou encore des commerces alors que d’autres sont exclusivement composés d’habitations.

Dans le cas de Bonneville [figure 3], la grande diversité des secteurs, soumis à de nombreux risques différents, imposent ce lien. Le responsable de secteur connaît le dispositif de gestion de crise et son organisation, ainsi que le quartier / la zone où il est susceptible d’intervenir (son secteur). Il permet une meilleure coordination des acteurs locaux sur son quartier, et filtre les informations qui remonteront au PCC. En amont de la crise, ce référent devient un relai local de l’information préventive et peut diffuser de l’information auprès de la population et des acteurs locaux (entreprises, associations etc.).

Le nombre de ces responsables pouvant varier selon la taille de la commune et la phase de mobilisation, il serait intéressant d’inclure un responsable de coordination de ces derniers dans le PCC pouvant coordonner les responsables de secteurs entre eux. L’organisation concrète entre PCC, cellules opérationnelles de terrain du PCS, responsables de secteurs et acteurs « conventionnels » impliqués (pompiers, forces de l’ordre, associations agréées de sécurité civile) reste à préciser et la mise en œuvre d’exercices peut probablement permettre de tester des dispositions organisationnelles en vue de trouver les modalités pratiques les plus adéquates.


[Figure 3 : Carte des secteurs et des vulnérabilités de la commune de Bonneville, Victor Zimmermann, 2020]

Regarder au-delà de la solidarité communale

L’inégale répartition des moyens disponibles et des aléas sur le territoire communal a forcé à penser des sous-systèmes (les secteurs) de soutien à l’échelle communale qui en fonction de l’évènement mettront en œuvre une démarche d’entraide et de solidarité locale. Mais ces travaux viennent interroger sur la prise en compte des risques au-delà des limites administratives. En effet, l’exposition aux aléas est variable d’une commune à une autre et les moyens (institutionnels comme non-conventionnels) sont également différents. Préparer cette solidarité locale en tenant compte de l’emprise des risques dans une approche intercommunale ou par bassin de risque semble être une piste intéressante à développer. Les communes ou secteurs lourdement impactés pouvant alors être « aidés » par les communes ou secteurs qui ne l’ont pas été.

 

Références bibliographiques / webographiques :

[1] Kerveillant Marie, Les crises ? On ne les règle pas « du haut vers le bas », l’ADN Tendances, Béatrice Sutter, 30 septembre 2020
[2] Knight Frank H., 1921. Risk, Uncertainty, and Profit
[3] Institut des risques majeurs,  La réponse opérationnelle des associations de sécurité civile : les inondations de l'Aude en 2018, In Journée technique, Implication citoyenne en cas de catastrophe : réalités et perspectives pour les collectivités, juin 2019. https://www.youtube.com/watch?v=Vs2XcDgBcK8
[4] D’Ercole Robert & Monyaco Juan Fernando (1991), « influents locaux » face à une situation d’urgence : une analyse selon l’hypothèse d’une éruption du volcan Cotopaxi (Equateur), Institut Français d’Etude Andines



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