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Politiques publiques | Risque barrage

La direction nationale EDF organise des réunions publiques sur le risque de rupture de barrage

Publié le 8 mars 2007

Par François Giannoccaro

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La direction nationale EDF organise des réunions publiques sur le risque de rupture de barrage

Après les révélations concernant l’état préoccupant des barrages en France, la population ressent un manque d’information sur les risques liés à ces ouvrages. De son coté, la direction nationale EDF veut rassurer à travers des réunions publiques qui vont se succéder, notamment dans les Alpes. L’IRMa se pose la question de l’intérêt de créer des Commissions Locales d’Information auprès de certains de ces ouvrages.

Plusieurs réunions publiques sur les risques liés aux barrages ont donc été prévues dans les Alpes par l’unité de production Alpes d’EDF. La première s’est tenue à Freney d’Oisans à la demande du Maire où l’exploitant EDF s’est exprimée sur la situation du barrage du Chambon devant une centaine de participants. L'IRMa était présent.

En introduction à la première réunion publique dans les Alpes qu’il a voulu sur sa commune le 1 mars dernier, Christian Pichoud, Maire de Freney d’Oisans, a fait part de ses inquiétudes sur la situation du barrage du Chambon. Manifestant par ailleurs sa confiance à l’exploitant, il a demandé à ce que toute la lumière soit faite sur cet ouvrage.

« Nous auscultons, surveillons, contrôlons… », l’exposé pédagogique de l’exploitant s’est voulu très rassurant mais peu être trop généraliste de l’avis de certaines personnes dans la salle

C’est sur un ton très rassurant que Xavier Ursat, directeur de l’unité de production Alpes d’EDF, a ouvert la séance mettant en avant qu’il n’y avait aucun danger en particulier sur le barrage du Chambon qui est concédé à EDF jusqu’en 2011. Accompagné de plusieurs de ses collaborateurs, la présentation de l’exploitant s’est déroulée en deux temps. Une première partie de l’exposé a fait une large part a des généralités concernant l’ouvrage en lui même de 136 mètres de haut, sa conception, sa surveillance, son suivi et sa maintenance depuis l’arrêté de mise en eau de 1935 :

  • Une surveillance et une auscultation régulières à l’intérieur même de l’édifice.
  • Le suivi, la conservation et la tenue à jour des données concernant l’évolution du barrage (qui bouge de quelques millimètres par an) transmises notamment en temps réel à la salle de contrôle du centre technique d’EDF basé à Grenoble, ou 600 collaborateurs suivent la vie de tous les gros barrages EDF.
  • Des inspections annuelles par le service administratif de contrôle (DRIRE). Une fois tous les 10 ans, ces inspections plus lourdes se font aussi par des moyens subaquatiques qui descendent sous l’eau pour inspecter l’ouvrage. Cette inspection décennale peut aussi nécessiter une vidange importante de la retenue afin d’examiner les parties habituellement noyées.
  • Sur les aspects liées à la sécurité civile de la responsabilité de l’exploitant et du préfet , l’établissement d’un plan particulier d’intervention prévoit l’organisation, la mise en vigilance, l’alerte, l’évacuation des populations, les secours, en cas d’incidents majeurs pouvant aller jusqu’au scénario de rupture totale du barrage qui est considéré dans ce document de planification opérationnel.

Un peu plus technique mais toujours généraliste, la seconde partie s’est concentrée sur les dernières campagnes de maintenance lourde de l’ouvrage dont le béton souffre de façon irrémédiable d’un phénomène de détérioration chimique, lent voire très lent au regard de la durée de vie d’un tel ouvrage (un siècle) : l’alcali réaction. Sur son sommet, le béton se gonfle d’eau « comme une éponge, il s’imbibe !» et met donc l’ouvrage sous des contraintes mécaniques qu’EDF a dû résorber à partir de 1995 (méthode de sciage à intervalles réguliers en haut du barrage pour limiter les contraintes) pour éviter des déplacements trop important de l’édifice. Ces travaux important ont donc amené l’exploitant à reconsidérer l’emplacement des évacuateurs de crue et à traiter directement le sommet de l’ouvrage. Le chiffrage de l’opération : environ 37 millions d’euros dont 29 millions pour les évacuateurs de crue. Il est inévitable que ces travaux (pour la partie mise en contrainte mécanique de l’ouvrage) seront à reconduire dans les années qui viennent.

Les questions posées au cours de l’exposé ont montré à l’évidence un manque certain d’information de la part des riverains du barrage sur l’ouvrage , son exploitation et les conduites à tenir en cas d’accidents majeurs. L’exploitant EDF s’est engagé à faire des réunions publiques d’information plus régulières…

Au fil de l’exposé, c’est une dizaine de questions qui ont été posées à l’exploitant par les personnes présentes dans la salle. Elles peuvent être regroupées en 2 catégories :

1 – Celles qui relevaient d’interrogations afférentes à la problématique de la sécurité civile : en cas de rupture du barrage, que font les populations juste à l’aval du barrage ?, quelles sont les responsabilités des autorités en charge des secours ?

2 – Celles qui relevaient de l’exploitation et de la maintenance du barrage du Chambon depuis sa création, en particulier le suivi du comportement du barrage suite à la campagne des travaux lourds engagés dans les années 90; mais aussi concernant l’état de robustesse des digues à l’aval du barrage qui pour certaines s’étaient révélées fragiles à l’occasion d’un lâché d’eau volontaire de la part de l’exploitant.

Suite à ces discussions, le constat de notre Institut est clair : la population ressent un manque d’information sur les risques liés aux barrages…

Quelles en sont les raisons : l’exploitant du barrage qui ne cherche pas à informer de façon régulière sur les risques qu’il peut générer, la population qui ne souhaite pas particulièrement connaître les risques auxquels elle est soumise, l’administration qui a montré qu’elle pouvait être plus volontariste en matière d’information préventive sur d’autres risques ? Probablement une conjonction des trois.

Au moment où les exigences de « bonne gouvernance », de plus grande transparence dans la prise en compte de l’intérêt général et de meilleure association des citoyens aux décisions publiques s’imposent désormais comme une valeur de référence, force est de constater que le sujet des risques dus à la présence de barrages, reste encore largement ignoré de l’opinion. La question apparaît même de savoir si le public et plus particulièrement les victimes éventuelles, souhaitent réellement connaître les risques auxquels ils sont soumis, et si le sujet ne doit pas rester, de manière délibérée, enfoui dans un inconscient collectif que tout pousse à ne pas bousculer. De son coté l’exploitant du barrage ne ressent pas la nécessité d’une information régulière et pérenne qu’il pourrait faire sur son activité, de l’autre les populations ne sont pas spécialement demandeur d‘information en la matière.

Dans ce contexte, il est normal de constater que l’administration ne se soit pas engagée jusqu’à présent, parce que non sollicité, à jouer un rôle d’information du public dans ce domaine, comme c’est le cas par exemple en matière d’information préventive sur les risques industriels majeurs. En l’occurrence, la DRIRE n’était pas représentée à l’occasion de la réunion publique de Freney d’Oisans.

Faut- il considérer que le mieux serait d’en rester là ?

Une mission de juillet 2004 du Conseil Général des mines et de l’Inspection générale de l’environnement sur la question des barrages « La réglementation en matière de sécurité des barrages et des digues » est d’avis « …au contraire que l’administration a ici une politique volontariste à engager. Il y a lieu pour elle, tout d’abord, de se mettre en capacité de répondre à une demande sociale qui, si aujourd’hui, est encore peu explicite, peut devenir demain beaucoup plus exigeante….. ». Des droits nouveaux ont été expressément reconnus en la matière aux citoyens par le code de l’environnement (Article. 125 -2). Les risques pour la sauvegarde des biens et des personnes dus à la présence de barrages entrent sans conteste dans la catégorie des risques visés par le code de l’environnement. Tout citoyen peut en conséquence invoquer les droits qui lui sont ainsi reconnus. Encore faut-il qu’il les connaisse.

Aussi, doit on miser sur l’indifférence des populations, ou de leurs responsables, et les laisser dans l’ignorance, quand nos moyens d’investigations et la validité de nos modèles prospectifs aboutissent à des scénarios catastrophes de plus en plus crédibles, même s’ils restent aléatoires ? C’est aujourd’hui inconcevable.

Alors comment nouer le dialogue sur les risques liés aux barrages en France entre les citoyens, l’exploitant et l’administration et mesurer, régulièrement en commun, un risque qui ne peut continuer à être ignorer ?

L’Institut des Risques Majeurs propose l’idée de créer des Commissions Locales d’Informations (CLI) auprès des barrages, comme réglementairement il en existe autour des installations nucléaires de base ou encore autour des installations industrielles dites « Seveso seuil haut ».

Sans attendre d’éventuelles évolutions réglementaires ou législatives qui pourrait donner à la démarche de participation et de concertation l'assise juridique nécessaire à sa bonne inscription dans le temps, il y a peut être lieu d'engager le dialogue autour des barrages les plus sensibles. Cette démarche d'information et de dialogue pourrait être instituée autour de certains barrages là où les élus en font la demande expresse ou quand le représentant de l’Etat juge que la situation l'exige, par exemple en raison d'une situation particulièrement sensible en raison de la vétusté de l’édifice.

Placées sous la présidence du Préfet ou d'une personnalité qualifiée, ces CLI pourraient rassembler l'ensemble des acteurs concernés, c'est à dire, outre les services de l'Etat, les responsables des activités à l'origine des risques, des représentants des collectivités territoriales, du monde associatif, des salariés.

Les CLI ainsi constituées pourraient permettre l'information et la concertation des différents acteurs sur les risques que les barrages peuvent générer et leur appropriation d'une culture commune du risque. Les CLI pourraient susciter le débat sur les moyens de prévenir et réduire ces risques, sur les programmes d'action (exploitation et maintenance) et leur suivi des responsables des activités à l'origine des risques ou sur l'information des populations en cas d'accident. Les compte-rendus de leurs débats pourraient être rendus publics. Ces CLI pourraient aussi s'intéresser aux risques connexes des barrages (état des ouvrages de protection à l’aval du barrage par exemple). Elles pourraient suggérer l'expertise des démonstrations de sécurité apportées par les responsables des activités à l'origine des risques etc…

 



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