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Politiques publiques | Risque barrage

la réforme de la réglementation relative à la sécurité des barrages et des digues est en route

Publié le 31 janvier 2008

Par Céline Brun-Picard

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la réforme de la réglementation relative à la sécurité des barrages et des digues est en route

Attendue depuis plus de trois ans, la réforme de la réglementation relative à la sécurité des barrages et des digues est en route. Paru au Journal Officiel du 13 décembre, le décret du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques a pour origine un rapport public paru en 2004 ; il en reprend les principales préconisations.

La sécurité des grands barrages est désormais encadrée par le code de l’environnement. Pour mieux comprendre les enjeux et implications du décret paru en décembre 2007, il faut remonter à décembre 2003…

4 décembre 2003 : la lettre de mission

Fin 2003, le Directeur de l’Eau (Ministère en charge de l’Ecologie) et le Directeur général de l’énergie et des matières premières (Ministère en charge de l’industrie), chargeaient une mission conjointe Conseil Général des Mines – Inspection Générale de l’Environnement :

  • d’examiner les réglementations relatives à la sécurité des barrages et des digues « qui pouvaient présenter des risques importants pour la sécurité civile » ;
  • de faire des propositions pour les améliorer en les harmonisant autant que possible ;
  • et de mener une réflexion sur l’organisation des services chargés du contrôle de ces ouvrages, en pensant tout particulièrement à la possibilité de créer une habilitation pour les agents chargés du contrôle.

Juillet 2004 : parution du rapport de la mission

En juillet 2004, le rapport issu du travail de cette mission paraît. Un certain nombre de points faibles y sont mis en exergue, dans la mise en œuvre, à cette date, de la sécurité des barrages et des digues en France :

  • Le fait que des réglementations existent, mais sont complexes et basées sur des corps législatifs différents selon les usages des ouvrages. Notamment, la législation des ouvrages hydroélectriques ne permettait alors la prise en compte des prescriptions nécessaires à la sécurité que par avenant au cahier des charges de la concession ; et la réglementation plus récente issue de la loi sur l’eau (celle de 1992…) prenait insuffisamment en compte les aspects de sécurité publique alors qu'elle plaidait pour une gestion intégrée de l'eau.
  • Le fait que la compétence technique de certains services de l’Etat chargés du contrôle et de la sécurité des ouvrages se dégrade ;
  • Et enfin, le fait que l’élaboration des plans de secours publics prévus par la loi du 22/07/1987 était très en retard (on était là avant la loi de modernisation de la sécurité civile ; l’effort ultérieur entrepris par les Préfectures relativement aux PPI Barrages n’était donc pas pris en compte).

Les préconisations de la mission ont donc porté sur de grands chapitres de la sûreté des barrages :

  • la re-fondation de la réglementation des barrages et des digues, en affirmant la sécurité des ouvrages comme objectif, en intégrant les ouvrages hydroélectriques dans le dispositif de la police des eaux.
  • la rénovation des procédures : en proposant notamment des seuils de procédure et des seuils techniques, en relation avec une nouvelle typologie harmonisée des ouvrages. La mission proposait par exemple de renforcer le rôle du Comité Technique Permanent des Barrages (CTPB) et d’introduire un seuil d’autorisation avec étude de dangers, un seuil d’établissement de PPI et servitude d’urbanisme et enfin, un seuil de consultation du CTPB. Une fois le retard rattrapé dans la réalisation des PPI pour « grands barrages », la mission proposait également la possibilité d’étendre l’obligation du PPI à d’autres catégories de barrages.
  • la rénovation de la réglementation technique : la mission demandait de compléter les dispositions techniques par l’obligation d’une étude de dangers pour les barrages et les digues ; et d’envisager l’intervention d’organismes agréés pour certaines opérations à risques dans la vie du barrage (première mise en eau, etc.)
  • le renforcement de l’organisation des services chargés du contrôle, qui jusqu’ici apparaissait bien trop dispersée.

 

2004-2007 : A la suite de la publication de ce rapport, un groupe de travail a été mis en place en vue d’intégrer ou non les préconisations de la mission dans la réglementation française.

 

13 décembre 2007 : parution au JO, du décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques et au comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques et modifiant le code de l'environnement


On peut considérer que le décret paru en décembre 2007 reprend la plupart des recommandations de la mission. Parmi les mesures les plus emblématiques du décret, les dispositions prévues par son Titre I, qui modifie le code de l’environnement.

L’article 1er du Titre I propose une nouvelle typologie (harmonisée) des ouvrages hydrauliques (barrages et digues), et introduit l’obligation de l’étude de dangers, sur le modèle de la réglementation existante relative aux installations classées. L’étude de dangers concernera les ouvrages les plus importants (notamment les grands barrages, mais certaines digues également) et devra être actualisée au moins tous les dix ans. Si on reprend l’article 1 du décret : "Pour les ouvrages existant à la date du 1er janvier 2008, le préfet notifie aux personnes mentionnées au I l'obligation de réalisation d'une étude de dangers pour chacun des ouvrages concernés, et indique le cas échéant le délai dans lequel elle doit être réalisée. Ce délai ne peut dépasser le 31 décembre 2012, pour les ouvrages de classe A [NDLR : les "grands barrages"], et le 31 décembre 2014, pour les autres ouvrages mentionnés au I."

Les propriétaires ou exploitants des "grands barrages" (barrages de catégorie A) devront adresser au Préfet :

  • Au moins une fois par an, un rapport de surveillance de l’ouvrage (art. R.214-148 du CE)
  • Au moins une fois tous les deux ans, le rapport d’auscultation de l’ouvrage
  • Tous les dix ans, la revue de sûreté de l’ouvrage, qui dresse le constat du niveau de sécurité de l’ouvrage et présente les mesures nécessaires pour remédier aux éventuelles insuffisances constatées.

Des visites techniques approfondies devront être réalisées au moins une fois par an et feront l’objet d’un compte-rendu transmis au Préfet.

 Au titre de la tierce-expertise, le décret prévoit une procédure d’agrément d’organismes indépendants chargés de réaliser la plupart des documents relatifs au suivi de la sûreté des barrages et des digues.

 En outre, le décret du 11 décembre 2007 renforce réellement le rôle du CTPB, qui devient alors « Comité technique permanent des barrages et ouvrages hydrauliques » et dont les fonctions sont les suivantes : « Art. R. 213-77. - Le comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques est consulté sur les dispositions des projets de lois, de décrets ainsi que d'arrêtés et d'instructions ministériels relatives à la sécurité de ces ouvrages, à leur surveillance et à leur contrôle. Dans les cas prévus par la réglementation ou, en dehors de ces cas, à la demande du ministre intéressé, le comité est appelé à donner son avis sur les dossiers concernant les avant-projets et les projets de nouveaux barrages ou ouvrages hydrauliques, les modifications importantes de barrages ou ouvrages hydrauliques existants et les études de dangers les concernant. Les ministres chargés de l'énergie et de l'environnement peuvent soumettre au comité toute autre question relative à la sécurité des barrages et des ouvrages hydrauliques. »

1er janvier 2008 : entrée en vigueur du décret

 En attendant la publication des textes d’application du décret, et en particulier la publication d’organismes agréés, des mesures transitoires sont prévues au titre III du décret.

A suivre ?

On attend actuellement, en plus de la publication d’une liste d’organismes agréés, la parution des arrêtés qui devront être pris par le gouvernement pour l’application de ce décret. Et notamment :

  • L’arrêté venant définir le plan de l’étude de dangers et venant en préciser le contenu ;
  • L’arrêté prévu à l’article R. 214-125 du code de l’environnement, qui devrait définir une échelle de gravité des événements ou évolutions concernant un barrage ou une digue ou leur exploitation, et mettant en cause la sécurité des personnes et des biens (on est donc en mesure de penser à une échelle de type de l’échelle INES pour le risque nucléaire).

Pour finir, on notera qu’une des propositions émises par la mission dans le rapport (pages 44-45), n’a encore trouvé aucune suite connue :

"Il n’existe pas actuellement de dispositions spécifiques pour limiter l’urbanisation dans les « zones dangereuses » situées en aval des barrages. (…) Malgré la très faible probabilité de rupture des grands barrages soumis à PPI, la mission estime qu’il y a lieu de prévoir des dispositions de limitation d’urbanisme. En effet, il ne nous semble pas logique que d’un côté on impose à l’exploitant de mettre en place un système d’alerte aux populations et que de l’autre on laisse s’accroître la population située dans cette zone ou s’implanter des établissements très vulnérables. (…) La mission propose pour limiter la population exposée immédiatement en aval des barrages soumis à un PPI, d’utiliser les dispositions analogues à celles des PPRT créés par la loi du 30 juillet 2003 et insérées dans le code de l’environnement."

 

Illustration : copyright Sébastien Gominet

En savoir plus :

> Décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques et au comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques et modifiant le code de l'environnement
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=DEVO0751165D

> La réglementation en matière de sécurité des barrages et des digues (2004)
http://www.irma-grenoble.com/05documentation/02bibliotheque_resultat_fiche.php?id01=393



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