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Risques naturels à Allevard (38) : des habitants peu préoccupés selon notre enquête

Publié le 3 septembre 2008

Par Sébastien Gominet

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Risques naturels à Allevard (38) : des habitants peu préoccupés selon notre enquête
Le torrent du Bréda en crue le 23 août 2005 © Mairie d'Allevard

Les premiers résultats de l'enquête menée à Allevard (Isère) montrent une forte disparité entre l'évaluation des risques, que la majorité des Allevardins considèrent comme moyens, et leur faible préoccupation sur le sujet. Ils montrent aussi le rôle important de l'expérience de la crue d'août 2005 dans l'évaluation de ces risques qui restent malgré tout des "objets flous" qu'une minorité d'habitants arrivent à localiser précisément.

1) Les allevardins semblent assez conscients des risques mais globalement peu préoccupés…

Plus de 50% des personnes interrogées estiment que la commune est soumise à des risques naturels moyens

La population interrogée fait une nette différence entre les risques naturels et les risques technologiques ce qui est plutôt logique compte tenu de la situation de la commune : pas d’activité industrielle, pas de grand barrage en amont même si le petit barrage de Fond de France pose question depuis la publication du rapport interne d’EDF par le magazine Capital, pas d’activité nucléaire, etc.

La date d’installation est le facteur le plus important pour expliquer la manière d’évaluer les risques naturels suivie de près par le niveau de diplôme : plus la date d’installation se situe sur un point extrême dans le temps (1932 et 2007 étant les extrémités de notre axe chronologique), moins l’évaluation est élevée. D’autre part, plus le niveau de diplôme est élevé, plus les individus évaluent fortement le niveau de risque. Enfin, les individus qui évaluent le risque naturel comme "élevé" ou "moyen" ont majoritairement vécu la crue de 2005.

L'apparente contradiction sur la date d'installation et l'évaluation des risques (les personnes arrivées à Allevard entre 2006 et 2007 et les personnes qui s’y sont installées avant 1970 considèrent en effet les risques naturels faibles ou nuls à Allevard) mérite que l'on s'y attarde un peu. L’expression d’une négation chez les individus installés à Allevard entre 1932 et 1969 peut s’expliquer, à notre sens, par une certaine familiarité avec l’environnement local et une certaine routinisation des différents événements naturels. Les crues, par exemple, ne sont plus des écarts à la norme mais des éléments du paysage avec lesquels il faut nécessairement composer. Elles ne sont alors plus vécues comme des risques mais représentent un caractère propre de la commune d’Allevard. La négation du risque chez les individus arrivés à Allevard entre 2006 et 2007 est par contre probablement liée à un manque d’information sur le sujet et une méconnaissance générale du fonctionnement des phénomènes naturels en zone de montagne. Beaucoup de gens venus de la ville et qui y travaille parfois encore, s’installent de nos jours dans des communes comme Allevard qui se situe, rappelons-le, entre l’agglomération grenobloise et l’agglomération chambérienne.


85% des personnes interrogées s’estiment peu ou pas du tout préoccupées par les risques

Les chiffres de la préoccupation marquent une rupture avec ceux de l’évaluation, notamment pour le risque naturel. C'est peut-être une tentative (probablement en partie inconsciente) de la part des habitants de se rassurer et de continuer à vivre "tranquilement" bien qu'ils sachent que la commune est exposée à des risques. C'est ce que les sociologues ou les spsychologues appellent la réduction de la dissonance cognitive : des individus en présence de connaissances incompatibles entre elles (il y a des risques dans cette commune et j’habite cette commune par exemple), éprouvent un état de tension désagréable, appelé l'état de dissonance cognitive. Dès lors ces individus feront preuve de stratégies visant à restaurer un équilibre cognitif. Ces stratégies, appelées « modes de réduction de la dissonance cognitive » peuvent consister, par exemple, à oublier ce qui ne cadre pas avec ses références antérieures. Cet effet que nous constatons ici a souvent été remarqué par des études menées dans les villages proches d’une centrale nucléaire ou d’une autre activité à risque.

 

2) Les risques restent des objets flous


la majorité des gens qui affirment que les risques existent ne peuvent pas les localiser sur la commune

La question posée était la suivante : « selon-vous, quels sont les risques naturels et/ou technologiques à Allevard ? Pouvez-vous les situer ? ».  Dans l’ensemble, les risques apparaissent comme des objets flous puisque les individus qui les connaissent mais qui ne savent pas les situer sont majoritaires dans tous les cas, sauf pour la crue torrentielle.

L’expérience de la crue du Bréda d’août 2005 est primordiale pour la connaissance du risque de crue torrentielle sur la commune, mais aussi pour celle des autres risques : glissements de terrain, chutes de pierres, avalanches, effondrements et même pour le risque barrage. Ainsi les gens qui déclarent que ces risques n’existent pas à Allevard n’ont majoritairement pas vécu cette crue. Seule la connaissance du risque sismique n’est pas influencée par l’expérience de cette crue (l’age apparaît alors comme le facteur déterminant).

Plus étonnant, le lieu d’habitation n’a pas d’influence sur la connaissance des risques sauf dans le cas des effondrements. Les habitants de Montouvrard, seule zone d’Allevard soumise aux effondrements, sont en effet fortement majoritaires parmi les individus qui savent situer ce risque. Ce secteur a connu un effondrement important en 2001 (en forêt), et certains habitants ont une perception de ce danger de part l’affaissement des murs de leurs maisons qu'ils observent. Dans les autres cas, le lieu d’habitation n’est pas un facteur déterminant. Ainsi, des habitants de secteurs exposés au risque de crue torrentielle comme les rives du Bréda, Bramefarine, Jeannotte et Buisson, indiquent que ce risque n’existe pas sur la commune.


Les moyens d'informations grâce auxquels les allevardins entendent parler des risques ne permettent pas de réduire le "flou" qui les entoure

La télévision est en effet le principal média grâce auxquel les personnes interrogées entendent parler des risques. Hors, il est évident que sauf exception, elle ne diffuse sur le sujet que des informations qui ne concernent pas le territoire d'Allevard et qui ne permettent donc pas d'acquérir des connaissances plus précises sur les risques qui touchent la commune. Le deuxième moyen d'information le plus "utilisé" est le bouche-à-oreille qui doit nécessairement entraîner au fur et à mesure que les informations circulent, des modifications ou des déformations des informations initiales. D'ailleurs cette utilisation du bouche à oreille ne semble pas aller dans le sens d’une meilleure connaissance des risques. En effet, les individus qui n’utilisent pas ou qui n’ont peut-être pas accès au bouche-à-oreille possèdent des représentations plus franches dans le sens où ils répondent clairement que le risque n’existe pas ou qu’ils savent le situer. De la même manière il est étonnant de constater que les individus qui utilisent le bouche à oreilles comme moyen d’information sont fortement préoccupés par les risques technologiques et qu’ils évaluent ces risques comme élevé ou moyen. Or nous avons vu que ces risques sont plutôt faibles à Allevard.

 

3) Finalement, les allevardins ne pensent majoritairement pas habiter dans une zone à risque

Nous observons une forte majorité de la population interrogée qui ne pense pas habiter dans une zone  à risque (68%). Pourtant, nous avons vu plus haut qu’il y avait moins de 40% des personnes interrogées qui estimaient le risque naturel faible ou inexistant. Comme pour la « préoccupation », l'explication liée à la réduction de la dissonance cognitive nous semble essentielle.

Il apparaît que le contexte résidentiel a un certain effet sur les connaissances des individus mais qui n’est pas suffisant. En effet, nous retrouvons des individus qui habitent dans la même zone mais qui ne présentent pas les mêmes connaissances (pour l’appréciation des crues torrentielles par exemple). Le secteur habité, comme pour la préoccupation, n’est pas un facteur pertinent pour comprendre le classement de celui-ci en zone à risque. Cette corrélation est un argument de plus qui pousse à penser que le risque est avant tout une notion relative dépendante d’une comparaison entre une situation particulière et une situation globale.


L’âge apparaît par contre comme un facteur essentiel. Les individus qui déclarent habiter dans une zone à risque sont surreprésentés parmi les interviewés qui ont entre 30 et 49 ans. Au contraire, les individus qui déclarent ne pas habiter dans une zone à risque ont entre 16 et 29 ans ou 50 ans et plus. Il est fort possible que les individus âgés de 30 à 49 ans soient aussi des personnes qui aient besoin d’effectuer des travaux, soit pour construire une maison, soit pour réaménager leur propriété ou qui soient dans une relation de propriétaire/locataire. C’est le temps de « l’installation » et ils ont par conséquent probablement plus de chance d’être confrontés à la réglementation sur les risques et notamment au Plan de Prévention des Risques (qui n'est connu que de 26% des personnes interrogées, comme on pourra le voir dans l'article suivant). C’est aussi le temps de la famille durant lequel les enfants grandissent : on peut peut-être avancer l’hypothèse que ces personnes, qui doivent subvenir aux besoins et « protéger » leur famille, sont alors plus sensibles à cette question des risques ?

 

4) L’expérience de la crue du mois d'août 2005 participe à l'accroissement des connaissances et au développement d'une sensibilité accrue sur la question des risques

L’expérience de catastrophes reste une expérience ponctuelle et marginale. En effet la majorité des individus n’ont vécu que la crue torrentielle de 2005. Nous avons vu que cet événement jouait un rôle dans l’évaluation des risques naturels (perçus alors comme élevés ou moyens), dans la connaissance plus fine des risques et dans le fait de déclarer ou non habiter dans une zone à risque. Il est donc évident qu’elle a joué un rôle de « révélateurs » sur la présence et la nature de ces risques, ou même « du risque » en général. Ceci est confirmé par le fait que près de 50% des personnes interrogées ne pensaient pas qu’un tel événement puisse arriver un jour. L'expérience de la crue de 2005 n'amène cependant pas forcément les personnes qui l'ont vécu à considérer après coup le risque de manière identique. Ainsi, des personnes qui sont arrivées à la même époque et qui ont vécu la crue ne graduent pas forcément de la même façon le risque naturel. La manière dont a été vécu l'événement serait donc tout aussi importante que l'événement lui-même.

En savoir plus :

> Les autres résultats de l'enquête : questions sur l'information, les moyens de gestion du risque, les consignes de sécurité
http://www.irma-grenoble.com/01actualite/01articles_afficher.php?id_actualite=293

> Présentation de l'enquête, des hypothèses, du questionnaire, de la commune d'Allevard
http://www.irma-grenoble.com/01actualite/01articles_afficher.php?id_actualite=290


Télécharger :

> Le rapport final de l'enquête avec ses annexes (format PDF, 897 Ko)
/PDF/actualite/articles/rapport1_juin2008_annexes.pdf

> Résultats de l'analyse descriptive : un graphique pour chaque question (format PDF, 67 Ko)
/PDF/actualite/articles/resultats_analyse_descriptive.pdf



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