Vers une réforme du régime cat-nat ?


En 2005, une mission interministérielle a été constituée pour établir un état des lieux du régime d’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles et faire des propositions en vue de sa réforme éventuelle. Selon cette mission, le régime mis en place en 1982 a atteint ses limites et doit être réformé sans que les principes de l’assurance obligatoire et de la mutualisation des primes ne soient malgré tout remis en cause. Les réformes qui pourraient être mise en œuvre devraient notamment permettre de :
  • renforcer la solidité financière de la Caisse Centrale de Réassurance (CCR)

  • créer des incitations à la prévention

  • rendre la gestion du système cat-nat plus rigoureuse et plus transparente.



La mission a ordonné ses réflexions et propositions autour de trois grands thèmes :
  • les aspects assurantiel et institutionnel du régime cat-nat

  • la prévention des risques et la responsabilisation des acteurs

  • le cas particulier des risques de mouvement de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols ou subsidence (1)



1) Les limites du régime d’indemnisation cat-nat du point de vue assurantiel et institutionnel

Le régime cat-nat est globalement perçu positivement par les assurés (il offre une couverture étendue pour un coût modéré), les assureurs, la caisse centrale de réassurance (CCR) et l’Etat. Selon la mission, ces aspects positifs ne doivent pas cacher que le système a sans doute atteint ses limites pour deux raisons essentielles :

    • l’imprécision et la fragilité du cadre juridique du dispositif et le recours insuffisant à une expertise scientifique incontestable pour définir et caractériser les catastrophes naturelles

    • l’absence de "mécanismes de rappel" permettant de garantir l'équilibre du régime cat-nat à long terme. La mission note que "les rares mécanismes existants de rationalisation des comportements sont soit inéquitables (comme l'augmentation des franchises en cas de multiplication des arrêtés cat-nat dans une même commune en l'absence de PPR prescrit), soit très peu appliqués (comme la possibilité d'exclusion de l'assurance cat-nat pour les biens construits en violation des règles administratives). Face à l'augmentation de la vulnérabilité, les pouvoirs publics se sont contentés jusqu'ici d'augmenter graduellement les primes et les franchises, quitte à accroître les inégalités entre les assurés.


Les recommandations de la mission :

Préciser la définition des risques couverts : la mission recommande que la définition des risques couverts intervienne dans l'avenir sur décision ou après avis d'un organe collégial doté d'une autorité scientifique incontestable
Renforcer la solidité financière de la CCR
Insérer, grâce à une politique de prévention adaptée, des mécanismes de rappel permettant de garantir l’équilibre du régime cat-nat sur le long terme
L'institution d'un organe collégial bénéficiant d'une autorité incontestable, notamment au plan scientifique
La suppression des arrêtés interministériels cat-nat ou la rénovation de leur contenu sous les angles suivants :
- en cas de création d'un Conseil ou Comité supérieur à attributions consultatives, les arrêtés interministériels pourraient n'intervenir que sur avis conforme de cet organe, en cas de création d'une autorité administrative indépendante, les arrêtés actuels pourraient être remplacés par des décisions, qui seraient publiées, de cette autorité ;
- la zone constatée comme affectée par la catastrophe naturelle pourrait être infracommunale, comme le prévoit la proposition de loi déposée à l'Assemblée Nationale le 4 juillet 2007 (voir notre article du 17/07/2007;
- la nature des dommages couverts par l'indemnisation devrait enfin être mieux précisée.


2) L’articulation entre la politique de prévention et la politique d’indemnisation reste quasi nulle en France
Selon la mission la politique de prévention des risques et l'indemnisation des catastrophes naturelles sont deux dispositifs juxtaposés mais qui s'ignorent largement. Ceci est d’autant plus dommageable que les résultats actuellement atteints par la politique de prévention des risques naturels restent limités, selon elle, notamment pour ce qui concerne les inondations, la subsidence (1) et le risque sismique. Un affichage plus clair des objectifs recherchés par l'État serait utile à la cohérence des politiques qu'il mène pour l'indemnisation des catastrophes naturelles et la prévention des risques naturels affectant les biens.
La mission a formulé 4 types de recommandations :
    Améliorer l'efficacité du cadre réglementaire des prescriptions de prévention en les appuyant sur un diptyque : des prescriptions générales définies au niveau national complétées par des prescriptions particulières relevant des PPR;
    Développer les outils d'information sur les prescriptions de prévention
    Moduler la tarification de l'assurance cat-nat et mieux adapter l'indemnisation des dommages en fonction, pour ces deux aspects, de la mise en oeuvre des mesures de prévention ;
    Améliorer la prise en compte des enjeux économiques des risques naturels par les différents acteurs.


3) Peut-on trouver une réponse pérenne au problème de subsidence provoqué par la sécheresse au sein du régime cat-nat ?
La mission a relevé que la subsidence est exclue des régimes cat-nat dans la vingtaine de pays étrangers étudiés par elle, sauf en Grande-Bretagne (dans le cadre d’un marché assuranciel libre, c'est-à-dire au prix d'une liberté tarifaire totale). Malgré les précédents étrangers, la mission a recommandé le maintien dans le régime cat-nat de la subsidence mais avec un certain nombre d'aménagements visant à mieux encadrer le risque :
une « objectivation » du phénomène de subsidence ;
une indemnisation moins large des sinistres de subsidence, notamment par l'exclusion des dégâts n'atteignant pas les structures mêmes des bâtiments et par l'institution de franchises majorées pour ce risque ;
le développement de mesures de prévention spécifiques au risque de subsidence et d'incitations à les mettre en oeuvre, incitations pouvant aller jusqu'à l'inéligibilité au régime cat-nat en cas de non-application de ces mesures ;
une participation plus active des assureurs au contrôle des déclarations de sinistres de subsidence et à la mise en oeuvre de la politique de prévention,


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Une nouvelle proposition de loi débattue actuellement à l’assemblée
Une proposition de loi adoptée par le Sénat et déposée à l'Assemblée Nationale le 4 juillet 2007 est actuellement débattue par les parlementaires. Elle ne comporte que 3 articles qui concernent essentiellement le risque de subsidence (sécheresse) et ne constitue donc pas une réforme profonde du régime qui aurait pu s’appuyer sur les différentes recommandations de la mission interministérielle . Le risque de subsidence liés à la sécheresse après la canicule de 2003 avait d’ailleurs été à l’origine de la création de la mission (rappelons que près de 8000 communes avaient demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle) même si elle avait finalement étudié en profondeur l’ensemble du système d’indemnisation français.
Pour en savoir sur le projet de loi, voir notre article du article du 17/07/2007


Autres rapports, autres éléments de reflexion…

Une mission interministérielle d'expertise sur les inondations de novembre 2005 dans les départements de l'Aude et des Pyrénées orientales a évalué les dégâts subis par les biens non assurés des collectivités territoriales et fait des propositions pour une approche nouvelle de leur assurance. Cette mission a observé que la crue de mi-novembre 2005 n'a pas eu, sauf très localement, un caractère exceptionnel. Elle a aussi constaté que les travaux réalisés depuis le dernier épisode de crue comparable n’étaient pas toujours adaptés à la situation géographique et qu’ils ne contribuaient que rarement à réduire la vulnérabilité des ouvrages aux phénomènes de crue. Elle a considéré que le taux des indemnisations de l'État devrait être modulé selon que les travaux étaient effectués dans une perspective pérenne plutôt que de seule reconstitution de l’existant et a recommandé de concentrer les aides publiques sur les dommages résultant réellement de catastrophes naturelles et non de l'imprévoyance des maîtres d'ouvrage.


Le rapport du 14 juin 2005 de la mission demandée par le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable à l’Inspection Générale de l’Environnement et au Conseil Général des Ponts et Chaussées et concernant le contrôle et la constructibilité derrière les digues de protection contre les inondations propose des évolutions sur ce sujet qui ne sont pas sans conséquence pour l’application du régime cat-nat.
En effet, dans les cas des crues lentes, le principe retenu est qu’un aménagement hydraulique complet (digues, déversoirs, zones d’expansion, etc.) qui assure une protection contre les inondations des personnes et des biens contre un aléa de référence peut réduire la vulnérabilité dans des conditions autorisant les constructions, sous réserve que soient respectés un certains nombre de prescriptions relevant de l’entretien et du contrôle de cet aménagement, des dispositions constructives des habitations, de l’information des populations, des mesures d’urgence adaptées en cas de crue supérieure à la crue de référence (évacuation des populations), etc.

Les aménagements qui ne répondraient pas à toutes les conditions du « cahier des charges » seraient réputés non sécurisés. Les zones qu'ils sont censés protéger ne devraient alors pas être considérées comme telles et les constructions qui sont autorisées dans ces zones ne devraient pas bénéficier du dispositif d'indemnisation des dommages dus aux catastrophes naturelles.
Si ces mesures étaient mises en place, il s’agirait bien d’un lien fort entre politique de prévention et politique d’indemnisation préconisé par la mission interministérielle sur le régime cat-nat qui nécessiterait une pleine information des acteurs et le gel des constructions par les préfets et/ou les maires dans les zones concernées, en attendant de rendre ces nouvelles dispositions opérationnelles.


(1) Le terme de subsidence est employé par la mission pour désigner les dommages causés aux constructions par les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols
   
 

 
 


 

 

 

 
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