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Le risque inondation. Diagnostic et gestion

Le risque inondation. Diagnostic et gestion

de Vinet, Freddy [ voir la fiche de l'ouvrage ]

« Freddy Vinet livre sa vision de géographe et ses réflexions de chercheur sur la prise en compte du risque d’inondation en France. »
Auteur : Jean-Pierre Requillart

Date : 23/02/2011
Niveau(x) de lecture : Praticien & Généraliste

Au travers d’un ouvrage faisant appel à une abondante documentation (sous forme de tableaux, figures, cartes et planches), à de multiples références et à des exemples pris le plus souvent en région méditerranéenne, F. Vinet livre sa vision de géographe et ses réflexions de chercheur (au laboratoire Gester de l’Université Montpellier III) sur la prise en compte du risque d’inondation en France.

F. Vinet présente successivement l’évolution de la prise en compte des risques naturels, le système de production du risque d’inondation, les mesures traditionnelles de réduction de ce risque et les pistes qu’il estime d’avenir pour une bonne prévention.

Après un rapide historique du risque, il souligne le hiatus entre la théorie et la pratique et se propose de disséquer les diverses contraintes qui pèsent sur le système, en s’efforçant d’en identifier les particularités tant techniques qu’institutionnelles et sociologiques.

Si l’analyse des différents systèmes de production du risque d’inondation est assez classique(en passant d’une typologie complète des phénomènes – n’incluant toutefois pas les crues torrentielles des torrents – à celle des dommages, matériels et humains), elle a pour principal intérêt de s’appuyer sur de nombreux exemples et comparaisons dans le temps et dans l’espace. L’auteur s’interroge ensuite sur l’évolution des facteurs naturels et humains à l’origine du risque et montre que ce dernier est beaucoup plus influencé par l’évolution des facteurs socio-économiques que par celle de l’aléa : à coté d’ une diminution générale de la vulnérabilité humaine et matérielle due à l’amélioration des conditions de vie, il ne peut que constater l’augmentation des enjeux dans les plaines et vallées en relation directe avec les tendances de fond de notre histoire urbaine (périurbanisation, extension pavillonnaire le long des voies de communication), aggravée parfois par des particularités régionales (tourisme, recherche de valorisation foncière suite aux crises agricoles, dont viticoles, et au vieillissement de la population) ; une péjoration de l’aléa lui apparait beaucoup plus incertaine d’autant que les analyses historiques n’ont pas mis en évidence véritablement d’aggravation, une sous-estimation de celui-ci  (favorisée par le « repos hydrologique » des années 1958-1988 coïncidant par ailleurs avec une période de fort développement urbain) semblant par contre être directement en cause, à la différence du réchauffement climatique (dont l’impact futur – hors cas du relèvement marin - pourrait se situer à un niveau assez voisin de celui de l’incertitude entachant la détermination de l’aléa !) ; aussi, du fait de la conjonction de ces facteurs, beaucoup de secteurs littoraux seraient parmi les foyers de vulnérabilité à traiter en priorité.

Après avoir décrit l’évolution du rôle des différents acteurs au sein desquels émergent progressivement les structures de bassin versant, l’auteur se livre à une analyse critique des mesures traditionnelles de réduction du risque, tout en montrant leur fort ancrage dans la culture de l’eau (comme c’est notamment le cas en Languedoc). Mesures structurelles d’abord visant à maitriser l’aléa – et les seules bien adaptées à la notion de bassin versant -, utilisées à plus ou moins bon escient et à signification politique ou sociale parfois ambiguë : ralentissement dynamique (naturel ou à défaut par barrages-écrêteurs, voire par bassins de rétention) et endiguements ; maitrise de l’occupation du sol par la voie réglementaire, avec les difficultés de gouvernance associées, ensuite : PPR dont la crédibilité mériterait d’être renforcée à la fois par la qualité des expertises amont et par le contrôle à posteriori du respect des prescriptions et pour lesquels une plus grande complémentarité apparait nécessaire entre l’Etat et les acteurs locaux, notamment pour la réduction de la vulnérabilité de l’existant ; alerte (avec une information souvent encore insuffisante pour permettre aux collectivités de gérer les crises banales), PCS et assistance à la gestion de crise enfin.

Une dernière partie traite des voies de progrès possibles avec la nécessité d’une redéfinition claire des objectifs ainsi que des outils d’évaluation des risques et des politiques de gestion : l’auteur se demande en particulier si la politique publique menée n’est pas trop focalisée sur l’évènement catastrophique au détriment du risque plus banal, ce qui serait peut-être de nature à apporter des gains préventifs à moindre coût - mais sans véritablement approfondir, à mon avis, la problématique d’une différenciation entre sécurité des biens et sécurité des personnes - ; il analyse également les retards et faiblesses de l’approche évaluative de la prévention en France, en l’attribuant certes à des difficultés méthodologiques mais surtout à différents blocages politiques et culturels (dont une dilution des responsabilités financières du fait à la fois de notre système assurantiel – qui, rappelons-le, intervient dès le risque décennal, banalisant  le terme de catastrophe ! - et d’une prise en charge quasi systématique des réparations voire des constructions d’ouvrages …) ; il termine en évaluant les gains que l’on peut attendre de la réduction de la vulnérabilité et d’une analyse des reconstructions post-catastrophe (ou retour d’expérience à long terme), exercice quasi ignoré à ce jour.

F. Vinet conclut sur un bilan, qu’il estime mitigé, de la politique de réduction du risque d’inondation, sur l’opportunité d’un décloisonnement de celle-ci et sur la nécessité de mise en place d’une culture évaluative, ce qui suppose à la fois volonté politique et mise à disposition de données fiables sur l’état et le coût global tant de la prévention que des dommages.

En conclusion, l’ouvrage de F. Vinet constitue une source de renseignements, de diagnostics et de réflexions extrêmement riche sur l’état de la prise en compte du risque d’inondation en France et plus particulièrement en région méditerranéenne, à travers la vision d’un géographe, voire d’un sociologue, et non d’un technicien. Les interrogations qu’il en tire sont pour la plupart transposables au restant du territoire et sans doute aussi à la plupart des autres risques naturels.

Aussi, la lecture de cet ouvrage est à recommander à tous les décideurs et gestionnaires du risque d’inondation ainsi qu’aux professionnels de la prévention et à tous les « honnêtes hommes ».

Je me serais néanmoins attendu à une vue un peu plus prospective, surtout lorsque diverses études (telle celle du BIPE) prévoient, malgré un ralentissement des migrations résidentielles sur la prochaine décennie entre départements, un déséquilibre s’accentuant entre un grand Sud-Ouest toujours aussi attractif et un grand Nord-Est ayant du mal à retenir sa population.Enfin nos pratiques mériteraient d’être d’avantage comparées avec celles d’autres pays, notamment européens … ; il s’agit là d’un important travail de réflexion, de synthèse et de diffusion à mener, à travers de nombreuses collaborations, mais pouvant déjà s’appuyer sur divers rapports officiels et missions d’enquête (IGE, .CGEDD, etc.)- comme pour les Catnat - ainsi que plusieurs projets Interreg.

 

 

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