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Ruines de Séchilienne

Ruines de Séchilienne : rapport du collège d'experts - décembre 2003

Publié le 17 juin 2004

Par Sébastien Gominet

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Ruines de Séchilienne : rapport du collège d'experts - décembre 2003

Présidé par M. Marc Panet, le collège d'experts était mandaté par la Direction de la Prévention des Pollutions et des Risques (DPPR) pour faire le point en l'état actuel des connaissances sur les scénarios de rupture les plus probables aux Ruines de Séchilienne.

Le texte suivant reprend les principaux éléments du rapport du collège d'expert, appelé "rapport Panet II". 

Soutenu par le CETE de Lyon, et ponctuellement par le CETE-Méditerranée, l'objectif du collège d'expert était d'examiner, à la lumière des données nouvelles acquises sur le site, les infléchissements éventuels à apporter aux conclusions présentées en décembre 2000 par le précédent collège international d'experts (rapport Panet I).

La mission a remis son rapport à la DPPR en janvier 2004. Il a ensuite fait l'objet d'analyse, pour en définir les suites opérationnelles et les décisions à prendre. Le rapport Panet II confirme les conclusions du rapport de décembre 2000 et ne modifie pas l'analyse du risque à long terme. Il apporte des précisions importantes sur l'impact direct du risque à court terme, qui doit être traîté en priorité au regard de ses conséquences sur la RN 91 et sur l'écoulement de la Romanche. La mission du collège d'experts 2003 s'est focalisée sur deux points :

  • les limites et le volume de la zone frontale susceptible de s'ébouler à court terme ;
  • les scénarios de rupture et l'extension de la morphologie des éboulis correspondant à un scénario de rupture de la zone frontale.

Conclusions relatives au comportement du versant : depuis la remise du rapport du collège international d'experts en 2000, il n'est pas apparu de phénomène ou de comportement fondamentalement nouveaux, qui conduiraient à remettre en cause les scénarios proposés en 2000. Des évolutions certaines ont été mises en évidence par le système de surveillance et par les observations visuelles périodiques faites sur le site. Les mesures de déplacement et de déformation réalisées en 2002 et au début de 2003 confirment la poursuite de la dégradation de la zone frontale la plus active, avec des vitesses de déplacement de l'ordre de plusieurs décimètres par an. La faible pluviosité de la première moitié de l'année 2003 s'est traduite par un ralentissement général, mais les épisodes pluvieux de l'automne ont immédiatement engendré de légères accélérations. Les fractures visibles dans la zone frontale ont très nettement évolué, avec notamment un développement vers l'ouest délimitant maintenant assez nettement cette zone frontale. Les zones situées plus en arrière et en amont sont comme par le passé beaucoup moins actives ; cependant, des fractures et des entonnoirs d'effondrement sont apparus dans la partie haute du tassement du Mont Sec, indiquant une déformation continue jusqu'à cette zone.

A/ La détermination des limites et du volume de la zone frontale

L'évaluation du volume de la zone frontale a fait l'objet d'un réexamen, en fonction des constatations de terrain. Le collège d'experts propose de maintenir l'hypothèse d'une "zone frontale active" d'un volume enveloppe de 3 hm³ (en place), sans changement par rapport à l'expertise précédente.

B/ Scénarios d'éboulements

Un travail important a été effectué sur les scénarios d'éboulement à court terme. La zone frontale est aujourd'hui très désorganisée ; des petites chutes de blocs se produisent régulièrement ; des fractures s'ouvrent de façon spectaculaire au sein de la masse comme sur ses bords. Compte tenu de ces observations, de l'absence de plans de rupture ayant une grande persistance et permettant le développement d'un mécanisme de glissement plan ou en dièdre, et de l'hétérogénéité des déformations et déplacements mesurés dans cette zone, le collège d'experts estime qu'un éboulement en plusieurs phases de la zone frontale est un scénario plus probable qu'un éboulement en une seule phase (les modalités de phasage de l'éboulement ont une grande influence sur la distance de propagation : celle-ci sera donc plus grande pour un volume de 3 hm³ que pour 1 + 1 + 1 hm³). Le collège d'experts précise cependant que l'intervalle de temps entre éboulements successifs ne peut être prévu : une heure, un mois, une année..

C/ Propagation et étalement

Le collège d'experts a fait étudier les modalités de formation de l'éboulis court terme : deux méthodes d'évaluation ont été employées, dont les résultats ont été présentés dans plusieurs rapports :

  • modélisation de la propagation, par Rochet & Rochet (R&R) : rapports de novembre 2001 et de décembre 2003 ;
  • modélisation par épandage, par le CETE-Méditerranée : rapport d'octobre 2003 + Annexes 1, 2, 3.

De plus, une note de synthèse bibliographique (rapport CETE de Lyon de novembre 2003) a permis de situer le cas de Séchilienne parmi les éboulements de grande ampleur survenus dans le passé et de proposer des évaluations empiriques de la propagation.

Remarques : Si les outils de modélisation de la trajectoire des chutes de blocs et des petits éboulements existent et sont couramment utilisés, la propagation des grands éboulements rocheux, dont les volumes vont de quelques centaines de milliers de mètres cubes à plusieurs milliards de mètres cubes, constitue un domaine beaucoup plus mal connu. Aucun modèle existant n'a été encore véritablement validé. La prévision de l'étalement d'un éboulement majeur reste un art très difficile ; c'est pourquoi il est apparu nécessaire d'utiliser et de comparer plusieurs approches. Les résultats des différentes études sont apparus globalement cohérents et confirment les approches antérieures.

D/ Propagation dans l'Hypothèse d'un prolongement du merlon

Les simulations réalisées tant par R&R que par le CETE-Méditerranée mettent en évidence l'aptitude du merlon existant aujourd'hui à retenir les éboulis, tout du moins jusqu'à une certaine limite. La position excentrée de ce merlon par rapport à l'axe de l'éboulement ne lui permet pas de jouer son rôle dans la partie la plus puissante de l'éboulement. Dans ces conditions le collège d'experts a demandé à R&R de réaliser une série de simulations équivalentes à celles présentées au paragraphe précédent, mais en supposant le merlon prolongé, quasiment à l'identique, sur 200 m environ vers l'est, donc présent sur toute la largeur de l'éboulement. On peut observer que, si l'influence de la prolongation du merlon est faible dans le scénario à un éboulement unique, elle est sensible dans le cas d'un éboulement phasé, notamment au droit de la route nationale.

E/ Conclusions

Le collège d'experts a réexaminé les scénarios d'éboulements crédibles à court terme (d'ici une dizaine d'années) sur le site des Ruines de Séchilienne, c'est-à-dire mettant en jeu tout ou partie de la zone frontale, soit des volumes de 3 hm³ au maximum. Un scénario d'éboulement polyphasé est considéré comme plus probable qu'un scénario monophasé. Les différentes méthodes mises en oeuvre pour estimer au mieux les conditions de propagation fournissent des résultats globalement comparables, compte tenu de la difficulté d'évaluer très précisément à l'avance la forme des éboulis, et ce notamment pour la position des limites maximales en plan (on observe d'ailleurs sur les cas réels que le front d'éboulis peut être plus ou moins net, et que des projections de blocs isolés au-delà de ce front sont quasisystématiques).

Le collège d'experts propose de caractériser les principaux scénarios de la façon suivante :

  • Un éboulement d'un volume de 1 hm³ environ recouvrirait le lit actuel de la Romanche mais serait contenu pour l'essentiel par le merlon actuel. Il ne perturberait que faiblement le chenal de dérivation. Il n'atteindrait pas la RN 91, mais des impacts de blocs isolés y sont à redouter et la Romanche en crue pourrait envahir la chaussée.
  • Un éboulement d'un volume de 2 hm³ (monophasé) environ recouvrirait le lit actuel de la Romanche ; le merlon contiendrait les éboulis mais ceux-ci s'étaleraient au droit du verrou de Montfalcon. Le chenal serait obstrué sur une centaine de mètres de long, sous des épaisseurs d'éboulis ne dépassant guère 5 ou 6 m. La RN 91 pourrait être atteinte par le front d'éboulis ; en tout état de cause, elle serait bombardée de blocs isolés et probablement envahie par les eaux de la Romanche repoussée du chenal.
  • Un éboulement de 3 hm³ (en place) en plusieurs phases, par exemple en trois phases de l'ordre de 1 hm³ chacune, recouvrirait le lit actuel de la Romanche, déborderait le merlon sur sa partie orientale, recouvrirait le chenal de dérivation sur une longueur de 200 m au maximum, atteindrait la RN 91 sur une longueur d'une centaine de mètres au maximum, sous une faible épaisseur d'éboulis (1 ou 2 m) ou sous forme de nombreuses chutes de blocs. La RN 91 serait probablement aussi envahie par l'eau de la Romanche. Les éboulis ne devraient pas atteindre, ou atteindraient de façon marginale, le pied du versant rive gauche de la vallée.
  • Un éboulement de 3 hm³ (en place) en une seule fois recouvrirait le lit actuel de la Romanche, déborderait le merlon sur sa partie orientale, recouvrirait le chenal de dérivation sur une longueur de 200 à 300 m, avec des épaisseurs dépassant localement la quinzaine de mètres. La RN 91 serait recouverte sur 200 m environ, avec des épaisseurs de l'ordre de 5 m au maximum. Les éboulis pourraient atteindre le pied du versant opposé ; en tout état de cause, le seuil de débordement du «barrage» ainsi formé, situé au droit du verrou de Montfalcon, serait peu élevé (cote 336 m environ).

Remarque : Les têtes de la galerie percée en rive gauche de la vallée ne sont atteintes par les éboulis dans aucune des simulations réalisées. Des simulations complémentaires ont montré par ailleurs que la prolongation du merlon vers l'est a une influence favorable vis-à-vis de la propagation. Un merlon prolongé constituerait une protection d'une bonne efficacité dans la plupart des scénarios (cas d'un éboulement polyphasé, notamment) ; il serait cependant d'utilité marginale dans le plus pessimiste des scénarios examinés, à savoir l'éboulement simultané de 3 hm³. La forme et la constitution du merlon prolongé seraient bien entendu à étudier et optimiser vis-à-vis de la propagation de l'éboulement (résistance sous l'effet des chocs et efficacité comme barrière) comme sous l'angle hydrologique (écoulement de la Romanche en crue).

Mentionnons enfin que les risques résiduels immédiatement après un éboulement partiel ou total de la zone frontale seront probablement importants, sous forme de chutes de blocs plus ou moins volumineuses. En particulier, un scénario de rupture polyphasée, certes assez favorable en termes de propagation, conduit après chaque éboulement partiel à une situation délicate à gérer, notamment si l'on veut rétablir la circulation sur la RN 91.

Source : Versant instable des Ruines de Séchilienne (Isère) - Rapport du collège d'experts. Décembre 2003.

En savoir plus :

> Consulter le rapport Panet I sur le site Prim.net :
http://www.prim.net/professionnel/documentation/sechilienne/index.html



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