Quand l’histoire géologique explique les phénomènes actuels


Il nous faut revenir loin dans le passé pour comprendre les paysages, la géologie et les instabilités de versants que l’on observe actuellement dans la région.

 

D’où viennent les argiles du Trièves-Beaumont ?

 

Les terrains les plus récents du Trièves-Beaumont sont constitués de sédiments parmi lesquels prédominent les argiles, mais où l’on trouve également des limons, des silts, des sables, des graviers, des galets…. Ils sont venus s’accumuler pendant des dizaines de milliers d’années sur la roche à dominante calcaire déjà en place, qui constitue ce que l’on appelle le substratum, ou bedrock.

Ces dépôts se sont formés au cours de la dernière glaciation, le Würm, qui a débuté il y a environ 100 000 ans ; de nombreuses traces de la glaciation précédente (le Riss) sont également visibles latéralement sur les versants (terrasses qui se sont constituées avec les matériaux de fonte ou érodés puis ont été entaillées lors de l’interglaciaire Riss-Wurm). Lors du Wurm, les glaces ne recouvraient pas les massifs montagneux du Sud Isère, mais occupaient certaines vallées, notamment celles du haut Drac (à l’amont de Saint Bonnet en Champsaur), de la Séveraisse, de la basse Gresse, de l’Isère, de la Romanche et de la Bonne. Les langues glaciaires venaient ainsi former de véritables barrages aux grandes rivières torrentielles qui s’écoulaient déjà, en suivant un axe sud-nord.

Ne pouvant s’évacuer, les eaux sont venues s’accumuler et constituer des lacs en amont de ces barrages glaciaires. C’est ainsi que se sont formés les lacs du Trièves, du Beaumont et du Champsaur, qui ont perduré plusieurs dizaines de milliers d’années. Durant tout ce temps, les torrents qui y finissaient leur course y ont déposé les alluvions qu’ils transportaient.

Ces sédiments ont comblé les lacs et sont restés en place après leur assèchement, donnant naissance aux couches d’argiles litées que l’on retrouve aujourd’hui. Elles recouvrent désormais le substratum sur des épaisseurs très variables, pouvant par endroits dépasser cent cinquante mètres, comme c’est le cas aux abords des actuels lacs du Monteynard et du Sautet.

 

Pourquoi parler d’ « argiles litées » ?

Il s’agit de formations sédimentaires constituées d’argiles et de limons, disposées selon des couches alternées, les lits, que l’on distingue parfois par des variations de couleur et dont l’épaisseur peut varier de quelques millimètres à quelques centimètres.

Les caractéristiques des argiles peuvent varier d’un lit à un l’autre, ce qui explique d’ailleurs le fait qu’elles n’aient pas toujours la même couleur. Ces alternances sont liées aux conditions dans lesquelles elles ont été déposées, qui ont évolué au cours du processus de sédimentation.

 

Au contact du front du glacier qui se situait au Nord et de la rive sud du lac de Monteynard, des moraines recouvrent les argiles litées. Cet empilement résulte des fluctuations du glacier qui, en se retirant, a déposé les matériaux qu’il transportait.

A la suite de cette longue période de sédimentation, les terrains ont été incisés par les écoulements du Drac et de ses affluents sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Les glissements ont commencé à se déclencher avec cette incision. C’est cette relation incision / glissement qui a donné naissance au paysage actuel dans lequel le relief est tantôt mamelonné, tantôt fortement marqué avec des pentes importantes.

 

 

 

Ceci explique cela…

 

Les formations argileuses sont particulièrement sensibles aux actions de l’eau. Elles peuvent notamment passer facilement d’un état solide à un état liquide, formant des coulées de tailles variables. Ainsi, si les glissements se déclenchent habituellement sur des versants à forte pente, ils peuvent dans les argiles du Trièves-Beaumont se développer sur des terrains à faible relief (pentes inférieures à 10°).

La répartition et la configuration des couvertures argileuses influencent donc celles des glissements de terrain. Par exemple, les surfaces où l’on retrouve les plus grandes épaisseurs d’argiles sont susceptibles de voir se développer des glissements de grande ampleur qui peuvent parfois évoluer rapidement. A l’inverse, les zones où le substratum affleure sont stables.

Cette explication est certes simpliste, car les facteurs de déclenchement des glissements sont complexes et ne se limitent pas à la simple nature du sol en un endroit donné, mais elle permet de schématiser différents cas de figure que l’on rencontre dans le Trièves-Beaumont.

 

 

   
 

 
 


 

 

 

 Position des glaciers et des les lacs du Sud Isère au cours de la dernière glaciation (d’après Montjuvent, 1980, et Kerckhove) il y a -70 000 à -20 000 ans
Position des glaciers et des les lacs du Sud Isère au cours de la dernière glaciation (d’après Montjuvent, 1980, et Kerckhove) il y a -70 000 à -20 000 ans



 
 Nature géologique des terrains sur la commune de Sinard (coupe géologique simplifiée de P. Antoine et al., 1991)
Nature géologique des terrains sur la commune de Sinard (coupe géologique simplifiée de P. Antoine et al., 1991)



 
 Formes du relief actuel dans la partie occidentale du Trièves
Formes du relief actuel dans la partie occidentale du Trièves



 

VIDEOS


Les glissements de terrain du Trièves et du Beaumont - origines et caractéristiques des phénomènes (Interview de Lilianne Besson, géologue expert, ancien chef de la Mission Interservices des Risques naturels (MIRNAT) en Isère)



 
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