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La montagne va-t-elle nous tomber sur la tête ou comment appréhender les éboulements de "gros volume" ?

Publié le 11 avril 2017

Propos recueillis par Sébastien Gominet

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La montagne va-t-elle nous tomber sur la tête ou comment appréhender les éboulements de
La falaise du Saint-Eynard domine la vallée de l'Isère dans le Grésivaudan © Photothèque IRMa / Sébastien Gominet

Les deux éboulements importants survenus au mont Granier, au cours de la réalisation du dernier film de l’IRMa sur la falaise du Saint-Eynard, ont été l’occasion de nous questionner sur la probabilité d’occurrence de tels phénomènes ailleurs dans les Alpes. Si les spécialistes sont en effet habitués à voir tomber de nos falaises des petites quantités de blocs rocheux tous les ans (on parle alors souvent de « chutes de pierres et de blocs »), il n’est pas si fréquent que ça d’observer des éboulements de plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes. Et parce que nous sommes loin de pouvoir tout dire dans un film de 15 mn, nous avons posé quelques questions complémentaires à Didier Hantz, qui étudie ces phénomènes au sein du laboratoire ISTerre, depuis plus de 20 ans.

 

Connaît-on la période de retour des éboulements survenus au mont Granier en janvier 2016 (120 000 m3 environ) et en avril/mai 2016 (80 000 m3) ?

Didier Hantz : A l'échelle des Préalpes du Nord, la période de retour des éboulements de plus de 10 000 m3 est d'au moins 10 ans, et celle des évènements de plus de 100 000 m3 de l'ordre de 50 ans.

La prévision spatiale et temporelle de ce type d’éboulement est-elle différente de celle des éboulements de plus petites volumes, que l’on appelle dans certaines études « les chutes de pierres et de blocs », dont vous avez bien mis en évidence le caractère répétitif dans vos travaux sur le Saint-Eynard ?

Didier Hantz : Certains gros compartiments rocheux susceptibles de s'ébouler peuvent être détectés par une étude approfondie de la falaise, mais d'autres ne sont pas évidents a priori. Dans le cas du Granier, le compartiment qui s'est écroulé en avril-mai 2016 dans la face Est avait été bien identifié auparavant par des collègues du laboratoire Edytem de Chambéry, alors que celui qui s'est écroulé en janvier dans la face Ouest n'avait pas été repéré. Pour les compartiments qui ont été identifiés, une surveillance rapprochée permet généralement de détecter l'imminence de la chute. Pour les autres, une approche globale de la falaise permet de donner une période de retour en fonction du volume, comme pour les plus petits évènements.

Est-ce qu'un éboulement du même type que ceux qui se sont produits au Granier vous semble possible dans la falaise du Saint-Eynard (volume, peu de signes précurseurs…) ?

Didier Hantz : Concernant les signes précurseurs, on ne peut pas dire qu'il n'y en a pas eu, car ces falaises n'étaient pas suivies, comme l'est actuellement le Saint-Eynard (réseau sismologique de l'observatoire des falaises : https://isterre.fr/recherche/projets-de-recherche/projets-en-cours/labex-equipex/article/labex-osug-2020-morphologie-des). Attention, il s'agit d'un suivi scientifique et pas d'une surveillance opérationnelle pour laquelle L’ISTerre serait mandaté par une autorité administrative.

Je pense qu'avant une chute de 100 000 m3, il se produirait des chutes plus petites qui seraient détectées par le réseau (mais personne n'est de garde 24h sur 24 comme c'était le cas pour Séchilienne ou le Néron par exemple). On peut juste dire qu'il n'y a pas eu au Granier de signes précurseurs suffisamment spectaculaires pour alerter la population.

Concernant le volume, il semble à priori que la barre inférieure du Saint-Eynard s'érode par paquets plus petits mais plus fréquents que le Granier. Mais ce n'est pas le cas de la barre supérieure.

A-t-on la "certitude" que dans le cas d'un éboulement de 100 000m3 par exemple, des capteurs sismiques enregistreraient des chutes de blocs dans les heures précédant l'éboulement ?

Didier Hantz : Je le pense oui. Mais une surveillance sismologique des 30 km de falaise entre Grenoble et Chambéry est difficilement envisageable, pour une question de moyens et de coût. Ce qui est envisageable, c'est une surveillance "citoyenne" par l'intermédiaire d'un site web où les gens signaleraient les chutes observées près de chez eux. Et le responsable du site pourrait alerter les autorités compétentes.

Quels exemples a-t-on dans les Alpes, de secteurs qui étaient suivis, sans l'être forcément de façon opérationnelle, et où il y a eu des éboulements importants ?

Didier Hantz : Les exemples d'éboulements prévus l'ont été à partir d'une surveillance par extensomètres : il existe trois cas d’éboulements prévus par le bureau d’étude SAGE et un cas prévu par le CETE Lyon (aujourd’hui CEREMA).

L'éboulement de Randa qui a eu lieu en Suisse en 1991, d’un volume de 30 millions de m3, a été précédé par de nombreuses chutes. Enfin les éboulements dont on trouve la vidéo sur internet étaient généralement attendus.

Connaît-on des cas où des éboulements importants ont eu lieu sans "compartiments fragiles" pré-existants (écailles, fissures importantes…) ?

Didier Hantz : Je n'en connais pas, mais il y a rarement des analyses en retour pour deux raisons :

  • On ne connait généralement pas bien la topographie initiale
  • On demande aux bureaux d’étude de détecter les risques futurs plutôt que d'analyser le passé.

 

En savoir plus :

> Voir le film "le Saint-Eynard, solide comme un roc ?"
http://www.risques.tv/saint-eynard/



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