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Catastrophes naturelles

Après deux inondations successives, retour d'expérience et travaux de protection à Souligné-sous-ballon

Publié le 16 mars 2022

Propos recueillis par Céline Lestievent

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Après deux inondations successives, retour d'expérience et travaux de protection à Souligné-sous-ballon
Lundi 11 juin 2018 : après le 2ème orage, et une nouvelle montée des eaux, une vue aérienne de la commune inondée © David Chollet

Dans le département de la Sarthe, à Souligné-sous-Ballon, deux inondations successives ont inondé le centre bourg, en cuvette, sous plus d'un mètre d'eau. C'était les 9 et 11 juin 2018. Face à ces inondations exceptionnelles de mémoire de villageois, des travaux de protection ont été décidé afin de rendre la commune moins vulnérable à la prochaine inondation et, par la même occasion, redonner la place à un peu de nature en centre-ville et au ruisseau l'Aunay. Entretien avec le maire de la commune, David Chollet.

Pouvez-vous rappeler les faits des 9 et 11 juin 2018 avec la 1e crue et la 2e à deux jours d’intervalle ?

David CholletDavid Chollet, maire de souligné-sous-Ballon @ Mairie de Souligné-sous-Ballon

David Chollet, maire de souligné-sous-Ballon : Le samedi 9 juin 2018, un violent orage s’abat sur la commune et ses environs. Des pluies diluviennes saturent les réseaux, remplissent les fossés, et rapidement les routes deviennent impraticables. Le centre du village, où passe un petit ruisseau « L’Aunay », et situé en cuvette, se retrouve rapidement submergé par 1,40m d’eau. Les habitants, d’abord restés confinés, sont finalement évacués par les pompiers.

Le dimanche, sous une météo ensoleillée, les sinistrés vident les maisons, trient, et nettoient, en utilisant la rue comme lieu de dépôt.

Le lundi 11 juin, début d’après-midi, nouvel orage avec la même intensité. En moins de 2h00, le niveau d’eau est d’1,40m, avec du courant. L’ensemble de ce qui avait été « sauvé » le dimanche est perdu pour les riverains. Toute la commune est touchée par ces eaux boueuses venues du bassin versant, par ruissellement.

 


Samedi 9 juin 2018 : l'eau atteint 1m40 dans certaines habitations. Les sapeurs-pompiers évacuent les habitants réfugiés dans les étages © David Chollet

Quels étaient les impacts visibles de ces inondations et quelle était la situation des habitants ?

Le centre du village, où passe un petit ruisseau « L’Aunay », et situé en cuvette, se retrouve rapidement submergé par 1,40m d’eau.

Le bilan des deux jours d’intempéries, n’a pas fait de victime mais a engendré pour la population un impact psychologique très important. Des opérations de sauvetage ont été menées pour secourir 4 personnes le 9 juin dont 2 personnes bloquées par le courant dans un jardin, une personne tombée dans l’eau, et un adolescent tombé dans le ruisseau. 14 familles ont dû être relogées, soit 29 adultes et 9 enfants, ce fut des relogements provisoires pour tous (famille, amis, locations…).


Samedi 9 juin 2018 : l'eau atteint 1m40 dans certaines habitations. © David Chollet

Concernant les logements des familles inondées, en mai 2019, s’est effectué le retour de la dernière famille dans son logement rénové. 4 familles locataires ont dû définitivement quitter la commune, puisque la commune a validé l’acquisition de 5 logements en vue de leur démolition.

Par le passé, aviez-vous déjà subit des inondations ?

Jamais un tel phénomène ne s’était produit sur la commune. Seules de légères montées des eaux liées aux pluies hivernales (10cm) sont dans les mémoires des plus anciens.

Etiez-vous prêts à gérer cette crise ?

Avec l’équipe municipale, nous n’étions pas préparés à gérer cette crise. Nous ne disposions pas de Plan communal de sauvegarde (PCS). Officier de sapeur-pompier, et travaillant au CODIS72, ma formation en « gestion opérationnelle et gestion de crise » m’a fortement aidée. Nous avons ouvert en mairie un Poste de Commandement Communal (PCC), un accueil des sinistrés, une salle de restauration (aidé de la Croix Rouge). Le centre de secours communal a servi de base logistique pour les moyens du SDIS, et certains habitants ont même hébergés les plongeurs restés en astreinte sur la commune.

La solidarité entre communes de la communauté de communes a permis de mobiliser sur une journée l’ensemble des moyens techniques et humains des 13 communes pour une opération de nettoyage.


Les habitations ont subie 2 montées des eaux en 3 jours, avec dans le centre du village 1,40m d'eau dans les logements © David Chollet

Dès l’évènement, j’ai tenu des points d’informations aux habitants, chaque soir, afin de répondre aux interrogations. Une réunion a été organisé avec des assureurs afin d’aborder la problématique des dossiers d’indemnisation.

La solidarité entre communes de la communauté de communes a permis de mobiliser sur une journée l’ensemble des moyens techniques et humains des 13 communes pour une opération nettoyage.

Pour l’aspect psychologique, j’ai mis en place, en partenariat avec le SAMU72, une CUMP pour les habitants. De même pour les sapeurs-pompiers de la commune, une cellule d’écoute a été proposé et bien suivi (en collectif et individuel) par les personnels à la caserne, puis en suivi post-traumatique.

Un secrétariat dédié en mairie (tenu par des élus et agents de mairie) a été installé dès le lundi pour l’accueil des sinistrés.

La gestion de la crise s’est rapidement -dès le samedi après-midi- organisée avec le maire en Directeur des opérations de secours (DOS) et un officier du SDIS, chef de groupe, en Commandement des opérations de secours (COS). Un point quotidien avec la Préfecture était fait, avec deux visites préfectorales sur zones, ainsi qu’une visite ministérielle.


Après l'orage et l'inondation du samedi 9 juin, une cellule de crise est réunie en mairie dès le dimanche matin, rassemblant autour du maire : Madame la sous-préfète de Mamers, la gendarmerie, les officiers du SDIS, la Croix-Rouge française, les élus de la commune © David Chollet

Malgré l’absence de PCS, la gestion de l’évènement s’est bien passée : forte mobilisation des élus, d’habitants non sinistrés, d’habitants d’autres communes venus aidés, d’associations et des services publics et privés (Etat, Conseil départemental, gendarmerie, Région, ENEDIS, Syndicat d’eau,…)

Au niveau de la gestion de crise, quels enseignements tirez-vous de ces inondations ?

Il convient d’admettre que ma culture et formation dans la gestion opérationnelle « pompier » m’ont été d'une aide formidable. En tant que DOS, nous échangions avec le SDIS sur un même langage et étions efficaces dans les actions à mener. Il est nécessaire que l’élu dispose de « clés » dans la gestion de crise.

Il est nécessaire que l’élu dispose de « clés » dans la gestion de crise.

D’un point de vue logistique, nous n’avions rien pour faire face, il a fallu tout improviser : organisation de la salle de crise, téléphonie, sécurisation du site, accueil des sinistrés (café, repas), hébergement des secours… Mais le réseau associatif et la solidarité des habitants et des communes voisines ont permis de répondre rapidement à nos besoins.

Je retiens qu’il est absolument essentiel de tenir la population informé du déroulé de l’évènement, des choix stratégiques immédiats et à venir. C’est la clé pour faire adhérer aux choix parfois difficiles à prendre, par exemple, l’annonce d’un nécessaire relogement, ou bien celui de ne rien entreprendre comme travaux de rénovation, avec l’objectif de détruire les habitations fortement sinistrées.


Dans le post-évènement, comment avez-vous envisagé d’adapter l’aménagement de la ville vers plus de résilience face à la prochaine inondation ?

David Chollet : L’arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle a été publiée au JO le 15 août 2018. 152 déclarations de sinistres ont été enregistrées à Souligné-sous-Ballon.

Gérer les phénomènes de ruissellement et limiter les risques d’inondations dans le centre-bourg

Une étude de diagnostic hydraulique et hydrologique a été réalisée dès l’automne 2018 afin de proposer un programme d’actions pour gérer les phénomènes de ruissellement et limiter les risques d’inondations dans le centre-bourg. Elle visait à comprendre le phénomène d’inondation et mettre en évidence les causes et les facteurs aggravants, et à établir des propositions d’aménagement (annoncées en juin 2019 aux habitants en réunion publique) visant à limiter les risques.

Synthèse des facteurs aggravants :

  • Ouvrage sous la route départementale sous-dimensionné sans possibilité de surverse ;
  • Rehaussements successifs de la RD 300 ;
  • Interception des chemins d’écoulement par la RD 300 ;
  • Angle droit du cours d’eau en amont de l’allée de la Freslonnière ;
  • Modifications de cours d’eau (incision du lit mineur et rectification de profil) entraînant l'accélération des écoulements en centre-bourg ;
  • Augmentation du linéaire de collecteurs ;
  • Modifications d’occupation des sols (taille des parcelles, suppression des haies, diminution des prairies) ;
  • Influence potentielle de la digue du Moulin ;
  • Changement des pratiques agricoles au profit des cultures : - 61% de surfaces en herbe 1988-2010 ;
  • Diminution du maillage bocager ;
  • Augmentation des surfaces imperméabilisées.
http://www.irma-grenoble.com/images/01actualite/articles/SoulignesousBallon/ancienpont_1600.jpg
 À gauche : L'ancien double dalot en pierre, trop exigü pour absorber les forts débits des 9 et 11 juin 2018. À droite : le nouveau pont est installé sous la départementale, avec une capacité d'écoulement doublée à 2m3/sec © David Chollet

Trois dossiers ont été déposés au Fonds Barnier, le vendredi 13 septembre 2019, à la DDT Sarthe. L’avis a été favorable le 18 décembre 2019. L'objectif de l’opération étant de supprimer les obstacles au libre écoulement du ruisseau afin de :

  • Permettre la surverse si le ruisseau passe au-dessus de la route ;

  • Remettre le ruisseau à l’air libre ;

  • Eviter une montée des eaux identique à 2018 dans les logements, dont 4 sont sans étage. Le 5ème possède une chambre sous comble, mais inaccessible depuis la rue ;

  • Supprimer le risque d’être bloqué dans une maison sans étage = mettre le site en sécurité afin qu’un même évènement ne produise plus les mêmes effets.

 

Parmi les travaux préconisés par l'étude post-inondations, 5 logements sont achetés par la commune et détruits afin de libérer l'espace autour du ruisseau, et faciliter son écoulement en cas de débordement © David Chollet

La commune a donc acheté 3 maisons (totalisant 5 logements), les a détruites pour créer un espace de libre circulation du ruisseau en centre bourg. Cette action a aussi l’intérêt de rendre le ruisseau davantage visible par les habitants, dont certains n’avaient aucune connaissance de son existence. Il est pourtant bien présent depuis l’origine du village, mais dissimulé entre les habitations. Une partie du ruisseau coule même sous une habitation.

La commune a donc acheté 3 maisons (totalisant 5 logements), les a détruites pour créer un espace de libre circulation du ruisseau en centre bourg.

Le département a supprimé l’ancien dalot en pierre sous la route départementale, pour créer un pont dont la capacité d’écoulement a doublé (2m3 /sec). Ce nouveau pont, associé à un enrochement et une végétalisation du ruisseau le rende désormais bien visible de tous les passants.

Le ruisseau sur son linéaire amont a vu son lit réhaussé (empierrement) afin de facilité son expansion dans les parcelles.

En aval, une ancienne digue, sur le linéaire du ruisseau, servant jadis à un moulin privé a été abaissée sur 5 m de long et 40cm, ceci afin de favoriser une vidange des volumes d’eaux retenus.

Après ces évènements, quel retour d'expérience faîtes-vous ?

David Chollet : Depuis 2019, un PCS a été réalisé. Il reste maintenant à réaliser des exercices entre élus, mais aussi avec tous les acteurs.

La commune s’est dotée d’une application téléphonique sur laquelle des messages ou alertes peuvent être envoyés.

La commune a été retenue sur l’appel à projet « Territoire engagé pour la nature », avec l’aménagement complet d'un site redevenu naturel en centre bourg.

Le site du cœur de bourg, enlevé de ses 5 logements, fera l’objet en 2022 d’un aménagement paysager, sur lequel travaillent des étudiants en environnement. Une information sur zone fera état de ces inondations de 2018, avec entre autre des repères de crues à installer. La commune a d’ailleurs été retenue sur l’appel à projet « Territoire engagé pour la nature », avec l’aménagement complet de ce site redevenu naturel.

 



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