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L’information préventive à l’épreuve des évènements extrêmes

Publié le 1 décembre 2021

Par Sébastien Gominet

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L’information préventive à l’épreuve des évènements extrêmes
Confluence du torrent du Boréon et de la Vésubie à Saint-Martin-Vésubie le 6 octobre 2020 © IRMa / Sébastien Gominet

Les inondations dans l’Aude le 15 octobre 2018 et celles des Alpes-Maritimes le 2 octobre 2020 interrogent, de par leur ampleur, sur la nécessité d’élargir l’information préventive des populations aux événements extrêmes. En termes de gestion de crise, la crue centennale ne peut plus être l’événement de référence aujourd’hui et les populations concernées doivent en être informées.

L’information préventive sur les inondations repose essentiellement au niveau communal sur les Plans de préventions des risques (PPR), tant du point de vue de son contenu (leurs cartes et les informations qu’ils contiennent sont souvent reprises dans les documents établis par les communes) que des contraintes réglementaires qu’ils induisent (l’Information acquéreur locataire (IAL) d’un bien immobilier n’est obligatoire que dans les communes soumises à PPR prescrit ou approuvé). Or, les scénarios de crue envisagés dans les PPR [1] sont de plus en plus souvent dépassés à l’occasion d’épisodes d’inondation importants, alors que d’autres cartes, basées notamment sur des études hydrogéomorphologiques, représentent mieux ces évènements extrêmes. Elles sont cependant difficilement accessibles, peu connues du grand public, et rarement confrontées aux cartes des PPR dans un débat serein engagé avec les populations concernées sur le risque acceptable, accepté, et l’incertitude inhérente à toute étude en la matière.

De la crue centennale à l’inondation extrême

La crue centennale n’est pas la pire crue à laquelle on peut s’attendre. C’est un choix qui a été fait par le législateur, un juste milieu entre un niveau de protection souhaité (avec un coût associé) et une possibilité pour la commune ou l’intercommunalité de continuer à se développer. Contraindre sans étouffer en somme. Ce n’est pas la pire crue à laquelle on peut s’attendre, ce n’est pas le scénario qui induit le zonage le plus contraignant, et pourtant, les conflits sont déjà nombreux entre les collectivités et l’État sur le sujet, accusé régulièrement d’être trop alarmiste ou de « sortir le parapluie ». Les chargés de missions de bureaux d’études, les employés des directions départementale des territoires, les tribunaux administratifs qui recueillent les recours des collectivités savent à quel point il est difficile de « dire » le risque en France.

« des habitations situées en zone blanche du PPR de la commune de Villegailhenc ont été inondées par plus de 80 cm d’eau et des habitations situées en zone bleue ont été inondées par plus de deux mètres d’eau »

Si parler d’évènement centennal peut avoir du sens en termes d’aménagement du territoire (c’est un débat à part entière que nous n’aborderons pas ici), on est en droit de se demander si en matière d’information préventive des populations et donc aussi de gestion de crise, cela a du sens ? Cela ne pourrait-il pas laisser un faux sentiment de sécurité à des personnes dont l’habitation serait située en zone bleue (risque faible) ou en zone blanche (absence de risque) et qui pourrait leur être fatal en cas de crue plus importante ?

Lors des inondations de l’Aude du 15 octobre 2018, des habitations situées en zone blanche du PPR de la commune de Villegailhenc (pourtant déjà très contraignant puisqu’il classait une bonne partie du centre du village en zone rouge) ont été inondées par plus de 80 cm d’eau et des habitations situées en zone bleue ont été inondées par plus de deux mètres d’eau (dans une zone bleue, l’aléa est considéré comme modéré avec une hauteur d’eau ne pouvant dépasser 50 cm et une vitesse d'écoulement ne dépassant pas 0,5 m/s).

PPR Villegailhenc
Extrait du PPR de Villegailhenc (Aude) approuvé par arrêté préfectoral le 22 décembre 2003 et modifié par arrêté préfectoral le 7 août 2013. Les flèches blanches sur les photos représentent la hauteur de la crue sur des habitations situées en zone bleue et blanche.
 
zonage PPR modifie Villegailhenc
Porter à connaissance des emprises inondées le 15 octobre 2018 à Villegailhenc après avis des communes © DDT 11

De la même manière, mais de façon encore plus dramatique, des habitations situées en zone blanche du PPR de Saint-Martin-Vésubie ont été complètement détruites le 2 octobre 2020, à l’image de la gendarmerie, dont l’un des bâtiments a basculé dans la rivière. Les restes de nombreuses autres maisons, parfois imposantes et de plusieurs étages, n’étaient même plus visibles, emportés par la crue probablement sur des kilomètres.

PPR saint-martin-vésubie
Extrait du PPR de Saint-Martin-Vésubie approuvé par arrêté préfectoral le 28 mai 2010. Les points rouges sur la carte représentent les bâtiments entièrement détruits par la crue. Les points jaunes représentent ceux « simplement » endommagés (une seule façade détruite par exemple) ou miraculeusement restés debout (mais fortement inondés et impactés, parfois jusqu’au toit). Document purement informatif et pédagogique, sans valeur juridique.

Que des bâtiments situés en zone blanche soient complètement détruits peut surprendre au premier abord et cela a d’ailleurs été commenté par quelques journaux locaux et nationaux [2]. En regardant d’un peu plus près, on apprend dans le rapport de présentation du PPR de Saint-Martin-Vésubie [3] que la crue centennale prise en compte dans ce document a été calculée sur la base d’une pluie, elle aussi centennale, de 211,2 mm en 24 heures (estimée à partir d’une série de données de Météo France disponibles de 1961 à 2001). Or, il est tombé le 2 octobre à Saint-Martin-Vésubie plus de 500 mm en 24 heures soit plus du double de la valeur centennale retenue pour le zonage du PPR. Il était donc logique que les enveloppes de crue de ce document soient complètement dépassées.

Il existait en revanche, avant l’évènement du 2 octobre, d’autres zonages du risque inondation dont les enveloppes de crues correspondent mieux à celles observées lors de la tempête Alex. Il s’agit des Atlas des zones inondables (AZI) et des cartes EAIP (Enveloppe approchée des inondations potentielles) disponibles sur le site de la DREAL PACA [4].

Les AZI utilisent la méthode dite « hydrogéomorphologique » pour définir les zones inondables et permettent d’analyser la manière dont la vallée a été façonnée par les crues importantes mais non connues par l'homme. L’emprise hydrogéomorphologique est déterminée par les terrasses successives créées par le cours d'eau. De ce travail émerge notamment la notion de lit majeur, espace maximum au sein duquel une crue peut s’étendre. La méthode employée pour construire l'EAIP a conduit quant à elle à fusionner des sources d’information de nature, d’échelle et de précision variables (dont les AZI et les cartes des aléas des PPR) pour tenter de définir des emprises potentielles d’inondations extrêmes.

« Il est tombé le 2 octobre à Saint-Martin-Vésubie plus de 500 mm en 24 heures soit plus du double de la valeur centennale retenue pour le zonage du PPR. Il était donc logique que les enveloppes de crue de ce document soient complètement dépassées »

Si les DREAL et les agences de l’eau prennent de multiples précautions dans la présentation des EAIP pour leur future utilisation (« les EAIP ne constituent pas une cartographie des zones inondables », « elles ne peuvent pas être utilisées pour déterminer des zones inondables dans les procédures administratives ou réglementaires » [5], etc.), elles ont de notre point de vue le mérite et l’intérêt d’être simples : une seule couleur, pas de notion de fréquence, d’intensité, pas d’annotations compliquées… on est à l’intérieur de l’enveloppe maximale d’inondation ou on ne l’est pas.

On peut donc se demander si ce n’est pas ce type de document qu’il faudrait publier dans un Document d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM), plutôt qu’un zonage PPR plus complexe et basé sur un scénario moins contraignant. Comme beaucoup de communes, celle de Saint-Martin-Vésubie a en tout cas choisi de reproduire la carte du PPR dans son DICRIM mis à jour en mars 2016 [6].

S’il est difficile de savoir comment un zonage du risque inondation plus sévère que celui du PPR aurait été perçu par les habitants, on peut se demander si cela n’aurait pas permis à certains d’entre eux de prendre conscience de leur vulnérabilité. Et, par exemple, entre autres mesures de sécurité, d’évacuer le jour de la crue plutôt que de se réfugier à l’étage. Cela n’est évidemment pas certain, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’un débat au niveau local est nécessaire sur ces sujets. Dans cette perspective, il est évident que les scénarios de crue les plus contraignants (AZI et EAIP) doivent aussi être pris en compte dans les Plans Communaux de Sauvegarde (PCS) des communes pour mettre en place une intervention graduée [7].

Les dossier TIM (Transmission d’informations aux maires) des préfectures commencent aujourd’hui à diffuser des cartes montrant différentes enveloppes de crue (AZI, PPR…) comme ceux du département de l’Aude (voir par exemple celui de Trèbes ici : http://www.aude.gouv.fr/IMG/pdf/trebes_tim_2020.pdf), mais cela reste très inégal selon les départements et ces informations ne sont pas forcément reprises dans les DICRIM des communes (voir celui de Trèbes ici qui ne contient aucune carte : https://pdv.bcnco.fr/trebes/wp-content/uploads/sites/12/2021/07/DICRIM.pdf).

Au-delà de la crue extrême

Il n’en reste pas moins que la question demeure complexe, car de nombreuses maisons rayées de la carte ou très fortement endommagées par la crue du 2 octobre 2020 à Saint-Martin-Vésubie étaient situées en dehors des enveloppes EAIP, c’est à dire en dehors d’un zonage qui cartographie un évènement supposé extrême, maximal… De la même manière, les inondations du 15 octobre 2018 à Villegailhenc ont dépassé l'enveloppe de l'Atlas des zones inondable, emprise hydrogéomorphologique du cours d'eau. Comment alors appréhender les risques auxquels nous sommes exposés puisque nous sommes censés ne pas y être exposés ? Comment comprendre, intégrer, imaginer tout ça ? Et puis, surtout, est-ce que ces évènements hors norme ne seraient pas un « avant-goût » des conséquences du changement climatique qui nous attendent ?

EAIP saint-martin-vésubie
Localisation des habitations détruites ou endommagées par la crue du 2 octobre 2020 à Saint-Martin-Vésubie et situées en dehors de l’enveloppe EAIP qui représente le scénario d’inondation supposé extrême.

« de nombreuses maisons rayées de la carte par la crue du 2 octobre 2020 étaient situées en dehors des enveloppes EAIP, c’est à dire en dehors d’un zonage qui cartographie un évènement supposé extrême, maximal »

Car si les inondations du 2 octobre dans les Alpes Maritimes sont très certainement exceptionnelles dans le contexte du climat que l’on a connu au XXe siècle (période de retour millénale ? Plus que millénale ? Les nombreuses études de retour d’expérience post-crue nous le diront peut-être) le sera-t-il tout autant dans un contexte de changement climatique, de hausse des températures et de l’augmentation de l’intensité des précipitations prévues par tous les scientifiques qui travaillent sur le sujet ? La question peut faire peur, et devrait en tout cas interpeller les nombreux territoires de montagnes qui ont connu, comme Saint-Martin-Vésubie, un développement important aux cours des soixante dernières années. Développement qui a conduit à urbaniser de manière importante les lits majeurs de torrents et de rivières torrentielles dont on a souvent négligé la dangerosité. Gérer des évènements de ce type à répétition représenterait en tout cas un véritable défi de société...

 

[1] La crue centennale ou la plus forte crue connue si elle est supérieure à la centennale.

[2] Dans une vidéo disponible ici https://www.lemonde.fr/planete/video/2020/10/16/crues-dans-les-alpes-maritimes-les-videos-et-les-donnees-satellites-devoilent-une-catastrophe-inedite_6056344_3244.html le journaliste du Monde interroge : « Les pouvoirs publics avaient-ils suffisamment évalué les risques ? Face à une catastrophe d’une telle violence, la fiabilité de ces documents (les PPR) interroge. ».

[3] A consulter ici : https://www.alpes-maritimes.gouv.fr/content/download/27712/227394/file/RapportDePresentation.pdf

[4] http://carto.geo-ide.application.developpement-durable.gouv.fr/1131/environnement.map

[5] Par exemple ici : https://www.rhone-mediterranee.eaufrance.fr/sites/sierm/files/content/2018-09/2_EPRI_District_22.pdf

[6] https://www.saintmartinvesubie.fr/images/MAIRIE/MARION/DICRIM/DICRIM-HD.pdf

[7] Voir à ce sujet le Guide pratique d’élaboration du volet inondation du Plan Communal de Sauvegarde réalisé par le CEREMA et l’IRMa avec le soutien de la MIIAM et de la DGSCGC et notamment les fiche C, D et E : http://www.mementodumaire.net/guide-PCS-inondation/

 

3 questions à Yann QUEFFELEAN, Responsable technique national RTM et Expert national hydraulique torrentielle :

marc-givry
1 - Vous êtes habitué à voir et étudier des crues importantes en montagne, quel a été votre sentiment et vos premières impressions sur le terrain les jours qui ont suivi la catastrophe du 2 octobre 2020 ?

J’avais vu les crues des Pyrénées en juin 2013 qui étaient déjà très impressionnantes à Barèges ou Luz-Saint-Sauveur, mais là cela dépassait ce qu’on peut imaginer se produire un jour. Les évolutions morphologiques ont été extrêmes en termes d’érosion de berges (en moyenne 250 m³/m sur le Boréon, ce qui est énorme en comparaison des données existantes relevées dans le monde) et d’épaisseur de dépôt, qui dépassait par endroits plus de 10 mètres de haut, soit l’équivalent en hauteur d’un immeuble de quatre étages. Plusieurs maisons ont totalement disparu sous les dépôts de plusieurs mètres, on n’en voyait plus aucune trace et d’autres implantées dans le versant à plus de 10 à 20 mètres ont été détruites par effondrement de la berge. Le nombre et la taille des flottants étaient aussi très impressionnants, générant des respirations de lit de plusieurs mètres ce qui est très rare. Ces flottants dont le volume a été estimé par l’INRAE à 75 000 m³ sur les deux vallées ont indéniablement aggravé fortement les divagations et donc les érosions de berge, ainsi que les obstructions de pont.

2 - Le service RTM a été missionné pour réaliser un retour d’expérience sur cet événement, quels sont ses objectifs et les résultats attendus pourraient-ils conduire à durcir la politique de prévention des risques en montagne ?

S’agissant sans conteste de la plus forte crue connue dans les Alpes françaises depuis celles de 1957, il semblait essentiel pour les services de l’Etat (DDT) et pour nous de tirer des enseignements de ce qui s’était passé. Les objectifs du retour d’expérience sont multiples, ils visent essentiellement à améliorer les connaissances sur ces évènements extrêmes afin de mieux les prendre en compte dans la prévention et la gestion intégrée des risques, et pour les vallées impactées de proposer des principes d’aménagement plus résilients. Un point essentiel en termes de connaissances des phénomènes est la quantification précise des érosions de berge qui ont été massives. Le fond de vallée historique a parfois reculé de plus de 50 m sur le Boréon. Si on veut essayer de prédire et cartographier ces événements extrêmes, il faut être en capacité d’apprécier l’ampleur de ces érosions de berges ou de versants, qui se faisant peuvent endommager voire détruire des maisons implantées bien plus haut que le fond de vallée.

Pour le durcissement éventuel de la politique de prévention des risques en montagne, cela n’est pas de notre ressort, mais une prérogative de l’Etat (DGPR) pour le compte de qui le retour d’expériences est mené. Il ne faut pas oublier, comme cela a été mis en avant dans votre article, que cet événement reste un événement extrême, bien supérieur à la référence centennale ou à la plus forte crue connue sur ces vallées par le passé, en espérant que le changement climatique ne les rende pas plus fréquente à l’avenir.

3 - Pourrait-on notamment, ou devrait-on prendre en compte aujourd’hui les aléas extrêmes dans les Plans de Prévention des Risques ?

De même, ce n’est pas à nous, ONF-RTM, de décider si les aléas extrêmes doivent être pris en compte ou pas dans les PPR qui visent, rappelons-le, à réglementer l’urbanisation. Après les crues des Pyrénées en 2013 et celles des Alpes-Maritimes en 2020, nous sommes en revanche convaincus qu’il faudrait établir une cartographie de l’aléa extrême a minima pour que les personnes exposées soient informées de ce risque, voire que celui-ci soit pris en compte dans les PCS (Plans communaux de sauvegarde) pour servir de base aux procédures d’alerte et d’évacuation, en priorisant les zones à évacuer en fonction de leur exposition.

 

3 questions à Marc GIVRY, architecte, expert risques naturels :

marc-givry
1 - Vous faites partie des rédacteurs du guide « Construire en montagne, la prise en compte du risque torrentiel ». Quels étaient les objectifs de cet ouvrage et que vous inspire l’événement du 2 octobre 2020 dans les Alpes Maritimes ?

Le guide « Construire en montagne, la prise en compte du risque torrentiel », que j'ai rédigé avec Christophe Peteuil, ingénieur hydraulicien au service ONF-RTM, avait pour objectif de sensibiliser aux risques des torrents les acteurs concernés par l'urbanisme et la construction en montagne. Il avait comme finalité d'aider les intervenants à se poser les bonnes questions et à envisager des réponses pertinentes face à ce risque.
Après l'événement du 2 octobre 2020 dans les Alpes Maritimes, j'ai pu me rendre assez rapidement sur les lieux, et si comme tout le monde j'ai été impressionné par l'ampleur des zones impactées, je n'ai pas été particulièrement surpris par les dégâts observés.
Les dommages constatés étaient assez comparables aux dommages rencontrés lors de crues torrentielles similaires.

2 - On a vu des chalets imposants de plusieurs étages et qui semblaient très solides être complètement emportés par les eaux. Ces chalets étaient-ils « mal » construits ou y a-t-il des zones où il est clairement impossible de résister à la force du torrent ?

La plupart des constructions impactées n'étaient pas spécialement « mal construites ». Elles n’étaient simplement "pas assez résistantes" face à l'ampleur de la sollicitation, en fait surtout « mal placées ». Mais pour préciser, on peut indiquer qu'en général pour un bâtiment « normal », on admet qu'il est possible de résister dans le cadre d'une crue torrentielle (une crue rapide avec transport solide) à :
-  une hauteur d'écoulement ne dépassant pas un mètre,
-  une hauteur d'engravement ne dépassant pas un mètre,
-  une hauteur d'affouillement des fondations ne dépassant pas un mètre,
-  une taille de blocs transportés ne dépassant pas 50 centimètres.

Au delà de ces valeurs, on estime que ce n'est plus à la portée d'un bâtiment "normal", et même avec des bâtiments spécialement renforcés, il est très difficile d'aller beaucoup plus loin.
A mon avis, il y a très clairement :
-  des zones où il est impossible pour un bâtiment courant de résister à la force des torrents,
-  des zones où il faut éviter de construire et qu'il importe donc de connaître,
-  des zones qui me semblent assez bien délimitées par les études hydrogéomorphologiques (en gardant bien sûr, un peu de marge car les torrents ne connaissent pas toujours les traits que nous traçons sur nos cartes et ils ont souvent tendance à aller un peu au-delà).
C'est sans doute la leçon à retenir du mois d'octobre 2020 dans les Alpes Maritimes.

3 - Quelles sont les solutions pour ces zones ?

Laisser la nature reprendre ses droits et laisser les cours d'eau « respirer » dans leurs lits, en étant un peu généreux. De toute façon, depuis des millénaires, en montagne c'est toujours l'eau qui gagne !

 

3 questions à Jean-Michel SOUBEYROUX, directeur adjoint scientifique de la direction de la climatologie et des services climatiques de Météo France :

J-M soubeyroux

1 - Le climat que nous connaissons aujourd’hui n’est plus celui des années 1900-2000. Peut-on encore calculer la fréquence de retour d’une pluie et d’une crue et cela a-t-il réellement un intérêt en contexte de changement climatique ?

Le changement climatique s'est traduit par une hausse des températures de près de +2°C depuis 1900 à l'échelle nationale mais les impacts sur l'évolution de l'intensité des précipitations extrêmes et des crues sont plus difficiles à identifier. Pour les pluies extrêmes, une hausse de l'ordre de 20% sur la période 1960-2015 a été mis en évidence sur les régions Méditerranéennes au pas de temps quotidien et des tendances à la hausse ont aussi été détectées dans des régions de la moitié nord de la France (Bretagne, Centre, Grand Est). La traduction sur l'intensité des crues n'est pas évidente pouvant s'agir de temporalités différentes selon les processus hydrologiques en jeu (ruissellement, débordements de cours d'eau, remontées de nappes) et les analyses sur la période 1960 à 2010 ont mis en évidence une zone de transition en France avec une hausse des crues de durée de retour centennale sur la moitié nord et une baisse sur la moitié sud. En climat futur, il est attendu une hausse des précipitations extrêmes sur l'ensemble du territoire national, notamment aux pas de temps courts liés aux évènements convectifs.
L'analyse des zones inondables doit aussi prendre en compte l'aménagement du territoire (artificialisation du sol, pratiques agricoles) et l'augmentation de la vulnérabilité (habitats notamment). Ainsi, le travail nécessaire de revisite des références en termes de pluies extrêmes et de crues nécessite d'être réalisé au plus près des territoires en considérant à la fois les crues anciennes mais aussi le climat futur dans lequel les pluies extrêmes pourront être plus intenses.

2 - Quels sont les objectifs du projet FLAude initié après les inondations catastrophiques d’octobre 2018 dans l’Aude ?

Le projet FlAude, soutenu par le programme Européen Copernicus C3S et labellisé par le Spatial Climate Observatory (SCO France), vise à améliorer la résilience du territoire aux inondations futures en documentant les évolutions climatiques en cours et attendues et en promouvant l'usage de l'imagerie spatiale (travaux du CNES appuyés par l'Université Jean Jaurès de Toulouse, le bureau d'étude SGEvT et la Direction des Territoires et de la Mer de l'Aude) pour identifier et réduire les facteurs aggravants du territoire dans la dynamique des événements de crues tels que celui d'octobre 2018. Les analyses climatiques sur les crues passées et futures sont un élément essentiel de mobilisation de l'ensemble des acteurs du territoire sur les enjeux du changement climatique. Les traitements de l'imagerie spatiale à haute résolution leur permettent d'identifier les éléments du paysage en jeu lors des crues et de viser la réduction de leurs impacts dans les documents de planification stratégique tels que le PLU. Les travaux sont prévus de s'étendre à d'autres territoires de la région Occitanie en 2022 et un observatoire des inondations dénommé FORO sera prochainement ouvert pour partager l'ensemble des outils développés dans le projet.

3 - Les Alpes Maritimes ont connu des précipitations voisines de 500 mm de pluie en 24h00. C’est exceptionnel aujourd’hui, cela peut-il devenir banal demain ?

Les cumuls de précipitation mesurés sur les Alpes Maritimes lors de l'épisode du 2 octobre 2020 dépassent de loin toutes les valeurs connues de pluies extrêmes sur cette zone. Un événement très intense s'est également produit cette année dans les régions italiennes voisines (Ligurie) et une étude est en cours pour préciser le lien entre ces événements et le changement climatique. Selon le 6e rapport du GIEC produit cet été, il est attendu globalement que le changement climatique rende les événements de pluie extrêmes plus fréquents et plus intenses selon un taux de l'ordre de +7% par degré de réchauffement supplémentaire. Pour autant, les projections climatiques aujourd'hui disponibles ne permettent pas de dire que des événements aussi intenses que celui du 2  octobre 2020 pourraient devenir banal demain.

 

// Article paru dans Risques Infos n°43 - novembre 2021, à consulter ici

 



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