Qu’elles soient universitaires ou de lecture publique, les bibliothèques sont considérées, sur le plan réglementaire, comme des Etablissements Recevant du Public (ERP) de type S. Les ERP sont également classés selon leur capacité d’accueil. Plus elle est importante, plus le dispositif est contraignant, notamment en termes de sécurité incendie.
Pour les bibliothèques, dans ce domaine, le cadre législatif est centré sur la protection des personnes, sur les conditions de sécurité relatives à leur accueil, avant celles concernant leur activité de conservation de biens culturels. De ce fait, la réglementation s’attache particulièrement au risque majeur que représente l’incendie, et aux mouvements de panique qu’il peut engendrer.
Or, pour les biens culturels, si le risque incendie est aujourd’hui bien identifié et si une réglementation a été développée, du travail reste à accomplir pour d’autres risques majeurs comme les risques d’inondations ou technologiques.
La perception des risques a aussi évolué : depuis 2015 la perception du risque attentat s’est accrue avec, en réponse, le renforcement du plan Vigipirate. De même la crise sanitaire mondiale engendrée par l’épidémie de Covid-19 a modifié l’échelle des risques.
Lorsqu’elles ont trait aux personnes, les questions de sécurité-sûreté sont capitales, mais n’entrent pas dans le champ des formations initiales des professionnels des bibliothèques. L’appui d’un personnel spécialisé peut alors s’avérer nécessaire (personnel SSIAP obligatoire pour certaines catégories d’ERP). En revanche, les bibliothécaires ont des compétences en conservation préventive précieuses pour l’analyse des risques appliquée aux collections et des dispositifs à élaborer en conséquence.
Pour être opérationnelle, la protection des biens et des personnes doit s’ancrer dans une démarche alliant prévention et prévision : réduire les conditions qui favorisent la survenue du sinistre et en atténuer les dommages si ce dernier survient malgré tout. L’anticipation est donc fondamentale.
Outre l’exercice d’évacuation réglementaire, deux dispositifs principaux existent. Pour les biens, il s’agit du Plan de Sauvegarde des Biens Culturels (PSBC). Pour les personnes, il s’agit du Plan Particulier de Mise en Sécurité (PPMS, aussi appelé Plan d’Organisation et de Mise en Sûreté d’un Etablissement - POMSE).
Une enquête a été adressée à l’automne 2019 aux bibliothèques françaises relevant d’une collectivité territoriale de plus de 20 000 habitants et aux bibliothèques françaises relevant de l’enseignement supérieur pour évaluer l’état du déploiement de ces deux dispositifs.
En voici les chiffres-clés :
Pour être opérationnelle, la protection des biens et des personnes s’insère dans une logique d’amélioration continue. Les plans (PSBC, PPMS, etc.) doivent être réactualisés chaque année, tout comme la formation du personnel, notamment par la réalisation d’exercices récurrents (évacuation).
Exercice d'évacuation de collections patrimoniales avec la section Pygarmed du Bouclier Bleu et le SDIS 09, octobre 2018 © Bouclier bleu France
Parmi les actions nécessaires pour optimiser la sécurité des biens et des personnes en bibliothèque, la sensibilisation des acteurs concernés est primordiale.
Ces acteurs sont d’abord internes à l’institution : les équipes doivent avoir une bonne connaissance des bâtiments où sont accueillis les publics et où sont conservés les biens culturels. Connaître la nature des collections et leur environnement permet d’identifier et d’évaluer les risques auxquels elles peuvent être confrontées, mais aussi de mettre en place des protocoles pour leur faire face.
Ce travail, long et complexe, doit s’inscrire dans une approche globale considérant à la fois les mesures appliquées aux biens, mais aussi aux personnes, parfois contradictoires.
Les associations professionnelles représentent un appui méthodologique précieux. Le Bouclier bleu France (BbF), dont l’expertise est reconnue dans ce domaine, propose ainsi des stages et le montage d’exercices pour entraîner les équipes à faire face à un sinistre quand les collections patrimoniales sont touchées.
Les acteurs concernés sont aussi externes à l’institution. Il s’agit principalement des tutelles politiques et du monde du secours. L’enjeu est d’arriver à faire entendre l’importance de la protection des œuvres à l’autorité supérieure. Pour cela, il est nécessaire de sensibiliser les tutelles au patrimoine conservé en bibliothèque, afin que celles-ci prennent conscience du poids de la perte qu’il peut représenter, et de celui des crédits à mettre en jeu ensuite pour sa restauration.
La bibliothèque doit également établir un dialogue avec les professionnels du secours : en cas d’intervention, ce sont les sapeurs-pompiers qui prendront le commandement des opérations et leur priorité sera de mettre hors de danger les personnes présentes sur le site. La sauvegarde des biens culturels viendra dans un second temps. Cependant, s’ils ont été sensibilisés au patrimoine en amont, elle pourra se faire en parallèle de la protection des personnes, ce qui fera gagner un temps non négligeable pour le sauvetage des œuvres.
Un travail en amont avec les pompiers permettra donc une prise en compte de la protection des biens et des personnes, ainsi qu’une rapidité et une efficacité d’intervention facilitée. Il faut donc que la protection des biens s’insère dans leurs dispositifs, sans interférer avec leur priorité (sauver les personnes) et en facilitant au maximum leur intervention pour gagner du temps. S’efforcer, pour le bibliothécaire, de connaître leurs obligations et leurs protocoles d’opération permettra d’y faire intégrer ses propres modalités pour la protection des biens.
Sensibiliser les professionnels du secours par une visite des lieux et une présentation des collections offre à la fois aux bibliothécaires la possibilité d’établir des priorités de sauvetage et aux pompiers d’avoir conscience de la valeur et des spécificités des collections ainsi qu’une première connaissance des lieux (éventuellement préalable à la création d’un plan Eta.Ré.). Dans un second temps, un exercice d’entrainement avec manipulation d’ouvrages peut être organisé.
Un dialogue régulier et ouvert avec les acteurs extérieurs à la bibliothèque est la meilleure façon d’obtenir les moyens nécessaires à la mise en place d’une protection efficace et pérenne.
Ou inscrivez vous
x Annuler