Assurance Cat-Nat | Changement climatique
Plusieurs évènements majeurs sont malheureusement venus le rappeler ces dernières années, à l’image des inondations dans le Nord et le Pas-de-Calais à l’hiver 2023-2024, ou de la dévastation de Mayotte par le cyclone Chido il y a quelques mois.
Mais au-delà de ces catastrophes qui retiennent l’attention des médias et du public, le dérèglement climatique entraine aussi un nombre croissant de catastrophes « à bas bruit ». L’année 2024 a ainsi été marquée par une très forte sinistralité attritionnelle : des sinistres récurrents, liés notamment aux précipitations importantes, ayant une sévérité – individuellement – mesurée. Pris dans leur ensemble, leur impact et les défis qu’ils posent en termes d’assurabilité sont pourtant non négligeables.
C’est aussi le cas du retrait-gonflement des argiles (RGA). Inclus dans le régime Cat Nat en 1989, ce péril a longtemps été mesuré : il représentait 682 millions d’euros par an en moyenne entre 1989 et 2023. Depuis, les dégâts qu’il occasionne ont explosé. Ils ont représenté 1,35 milliard d’euros par an en moyenne entre 2019 et 2024, et ont atteint plus de trois milliards d’euros pour la seule année 2022. Et si le RGA ne mobilise pas autant que des drames plus impressionnants de prime abord, c’est pourtant aujourd’hui le premier péril couvert par le régime Cat Nat en termes de sinistralité.
Le poids croissant du cout des évènements naturels extrêmes pèse sur un régime d’indemnisation fondée sur la solidarité nationale. Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, né en 1982, a vu son équilibre fortement perturbé ces dernières années, faisant craindre un risque de démutualisation et de montée de l’inassurabilité. C’est la raison pour laquelle il nous faut agir collectivement pour préserver l’assurabilité du territoire comme pour pérenniser le régime Cat Nat – c’est tout le sens de la raison d’être de CCR : protéger l’assurabilité pour permettre à chacun de se construire un avenir. Cela est d’autant plus important que la situation devrait encore s’aggraver. À horizon 2050, nous estimons que la sinistralité augmentera de 60 % environ sur l’ensemble du territoire. Et cela, les Français en ont conscience : le baromètre Elipss Environnement, réalisé par le SDES et Sciences Po, montre qu’en 2024, les catastrophes naturelles sont la principale source d’inquiétude environnementale des Français. Le grand public a par ailleurs une conscience aiguë des défis que pose le dérèglement climatique à l’assurabilité : déjà en septembre 2023, ils étaient 48 % à estimer que le monde de demain ne sera pas assurable, selon une étude Elabe – et cela avant les inondations dans les Hauts-de-France, avant Chido, avant Garance !
Pour répondre à cette inquiétude des Français et garantir l’assurabilité, un premier enjeu s’impose : la pérennisation financière du régime Cat Nat. L’augmentation de la sinistralité a en effet des conséquences tangibles sur l’équilibre du régime. En 2024, et pour la huitième année consécutive, la sinistralité a atteint un montant supérieur aux primes perçues pour le régime. Les réserves de CCR, fortement mises à contribution au cours de la dernière décennie ont baissé de plus de 2,5 Md€.
La décision du relèvement de la surprime Cat Nat de 12 % à 20 % sur les contrats d’assurance dommages aux biens, effective depuis le 1er janvier 2025, est une première réponse. Elle devrait permettre à CCR de reconstituer ses réserves, et donc d’assurer la pérennité du régime à court et moyen terme. Nous devons cependant d’ores et déjà réfléchir à de nouvelles évolutions de cette surprime pour tenir compte de l’aggravation des périls – toutes les réflexions à l’œuvre sur la modulation de la surprime, tant en termes de fréquence qu’en termes de répartition de l’effort entre contributeurs (particuliers et entreprises) sont importantes.
Assurer la pérennité financière du régime Cat Nat exigera aussi d’être vigilants quant au respect de son principe originel : la couverture des évènements d’intensité anormale. La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle fondée sur des critères précis, connus de tous, est une force du régime, garant de sa transparence et de son équité. Nous devons préserver ce principe.
Les réponses au défi du dérèglement climatique ne sauraient cependant être que financières. Nous ne pourrons faire face qu’en préservant également les principes de mutualisation et de solidarité face aux catastrophes naturelles.
En effet, l’un des principaux risques auxquels fait face notre modèle assurantiel serait une sélection croissante des risques par les assureurs, voire leur désengagement de zones entières face à des périls allant croissant.
L’Observatoire de l’assurabilité [1], pour lequel CCR a été missionné par le gouvernement, fera l’objet d’un premier rapport publié fin 2025 et sera un outil pour prévenir ce danger. Il permettra d’identifier de façon transparente et partagée les zones faisant l’objet de tension en matière d’assurabilité.
L’Observatoire est un premier pas. Le diagnostic qu’il dressera devra d’abord servir à la prise de conscience collective de la situation de nos territoires et de leur trajectoire face au risque d’inassurabilité.
Mais au-delà du constat, les actes devront suivre si l’on souhaite préserver dans la durée l’assurabilité des territoires, condition indispensable à leur attractivité et à leurs possibilités de développement futur. Dans cette perspective, CCR agira dès 2026 pour le maintien d’une couverture assurantielle par le biais du commissionnement intégré à son schéma de réassurance : un mécanisme d’incitation financière pour chaque assureur, pour qu’ils continuent d’agir partout en France. Mais la meilleure incitation viendra des territoires eux-mêmes et des efforts qu’ils entreprendront pour prévenir et s’adapter aux risques croissants.
Le régime Cat Nat, qui sous-tend l’assurabilité partout en France, est fondé sur trois principes. La solidarité, l’équité, et la responsabilité. Aujourd’hui, les circonstances appellent à agir sur ce principe de responsabilité, face à un monde qui change.
Une grande partie des acteurs du territoire est déjà en marche. L’État, les collectivités, mais aussi les grands opérateurs de réseaux, les entreprises privées, travaillent à l’adaptation des territoires, appuyés par un écosystème de bureaux d’études, d’ingénierie civile, d’associations expertes, d’opérateurs de l’État.
Les efforts principalement concentrés jusqu’ici sur la prévention collective (portée par les pouvoirs publics) ont déjà démontré leur efficacité. Les études réalisées par CCR montrent que les opérations financées par le fonds Barnier au cours de la dernière décennie ont permis d’éviter 3 Md€ de dommages, et sauvé très probablement de nombreuses vies. Chaque euro investi dans ces opérations permet d’en récupérer trois sur les décennies qui suivent. L’adaptation et la prévention ont donc un sens, au-delà de la préservation des vies humaines, de la réduction des dommages, de la facilitation du retour à la normale pour les populations. Il s’agit d’investissements que la nation a tout intérêt à consentir. Les moyens budgétaires qui lui sont dévolus, originellement liés à un prélèvement sur le régime Cat Nat, devront être préservés et accrus avec le temps.
Mais une difficulté demeure, celle de l’adaptation individuelle. Des dispositifs publics incitatifs ou réglementaires existent ou sont en devenir (pour le RGA notamment), mais ils ne portent pas encore leurs fruits. Sans doute sont-ils trop peu connus, trop complexes, ou encore trop éphémères, pour qu’ils puissent, dans la durée, permettre aux populations exposées d’adapter leur bien et leur comportement face aux risques croissants. Des progrès sont possibles. Ils nécessiteront de rendre les dispositifs incitatifs plus homogènes à l’échelle nationale, afin que leur existence puisse être relayée, voire portée notamment par les acteurs assurantiels. Ils nécessiteront également la structuration d’une véritable offre française, tirant parti des potentialités offertes par l’innovation technique et numérique. C’est ce qui a guidé la décision de créer CCR-F, un fonds d’investissement dont l’objectif est de faire émerger une filière industrielle de la réduction du risque naturel, en soutenant des sociétés innovantes.
Enfin, parmi toutes les démarches qui restent à conduire, l’une des plus fondamentales est la publication de cartographies nationales d’exposition des territoires aux risques naturels, exhaustives, homogènes et tenant compte des dispositifs de prévention mis en œuvre. Ce travail, qui n’existe aujourd’hui que de façon parcellaire, est indispensable à la mise en place d’un cercle vertueux, par lequel les efforts de prévention consentis rendront le territoire à la fois plus sûr et plus assurable.
Sur tous ces enjeux, le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3) [2] a marqué une avancée. Il se saisit du défi de l’assurabilité par le biais de la prévention et de l’adaptation que porte CCR au quotidien. L’enjeu est dorénavant de s’assurer que les actions prévues soient traduites sur le terrain, assorties de financements adaptés et d’un pilotage régulier.
[1] https://www.ccr.fr/-/lancement-observatoire-assurabilite
[2] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/PNACC3.pdf
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