Du 17 mai au 30 novembre 2022, 17 exercices conçus par les préfectures ont été l’occasion de tester l’envoi d’alertes par diffusion cellulaire, dans différents secteurs géographiques, en France métropolitaine (Figure 1). Les notifications se sont affichées instantanément sur les téléphones portables des individus situés dans les zones scénarisées, en portant à la fois la mention “Exercice-Exercice-Exercice” et “Aucune réaction n’est attendue de votre part”, pour insister sur la dimension expérimentale des exercices et rassurer les populations (informées en principe en amont, via différents communiqués de presse). Les premiers tests ont débuté le 17 mai 2022, au cours de l’exercice européen de sécurité civile DOMINO (sur smartphone Android seulement), puis début juin dans trois sites pilotes (sur Android et Iphone, et sur des réseaux 4G et 5G). Au fil des mois, le nombre d’exercices a augmenté, avec désormais un à deux exercices hebdomadaires (fin novembre 2022).
Toutes les préfectures devraient avoir réalisé un test fin juin 2023, tout comme les départements d’Outre-mer (un premier exercice s’est déroulé à la Réunion le 7 décembre 2022 par exemple). Sur les 17 exercices que nous avons suivis, 11 ont scénarisé des incidents industriels (fuite de produits chimiques, accident de transports de matières dangereuses en gare de triage), 3 des inondations, 1 une menace attentat, et 2 des événements sur des sites nucléaires. Tout en sachant que ne sont pas comptabilisés ici les exercices organisés en autonomie par certaines préfectures.
Figure 1. gauche) Localisation, type d’exercice et nombre de réponses au questionnaire associées (carte) ; droite) Répartition chronologique des exercices FR-Alert (mai à novembre 2022) © P. Foulquier
Un lien URL court renvoyant au questionnaire en ligne, était systématiquement présent dans les notifications testées (Figure 2), de façon à inciter les individus à donner leur avis. Après avoir expliqué notre démarche, nous avons proposé aux participants 15 questions : la 1ère pour garantir leur consentement et leur anonymat ; 3 autres pour connaître leur ressenti lors de la réception de la notification sonore ; les suivantes pour savoir si les 6 invariants (pour rappel : le son, l’émetteur, la nature du danger, sa localisation, les consignes et un complément d’informations), recommandés pour rédiger les messages, répondaient bien à leurs attentes ; puis des questions sur le lieu de réception (à l’intérieur d’un bâtiment, à l’extérieur…), le type de téléphone, l’âge ou la catégorie socioprofessionnelle. Les répondants pouvaient librement répondre “oui”, “non” ou “je ne sais plus” à chacune des modalités de réponse, sans contrainte (Figure 2). Aucune question n’était obligatoire (sauf la première question pour garantir le consentement) mais 97% des 7 803 questionnaires (7 570) ont été complétés en totalité.
Collecter des réponses via un questionnaire en ligne induit différents biais : 1) les réponses collectées lors des situations d’exercice sont déclaratives, et ne sauraient être dupliquées à des alertes réelles ; 2) certaines personnes (entre 3 et 7%) ont répondu à ce questionnaire plusieurs heures après avoir reçu la notification ; or, ce délai a pu modifier leur ressenti ; 3) pour pouvoir répondre à ce questionnaire, il fallait cliquer sur la notification puis sur le lien URL, ou les retrouver en affichant l’historique des notifications d’alerte, ce qui n’est pas une procédure facile, intuitive ou connue de tous, d’autant plus que l’accès est propre à chaque système d’exploitation ; 4) les personnes peu enclines aux innovations sont potentiellement exclues des avis collectés ; 5) certains individus ont même sans doute éprouvé des doutes à cliquer sur un lien URL non connu (crainte d’un spam ou piratage).
Mais le questionnaire en ligne permettait néanmoins 1) de collecter les avis d’un grand nombre d’individus, sans être présent physiquement sur place ; 2) de collecter des données sur un site sécurisé et avec un coût financier relativement peu élevé ; 3) d’avoir un suivi du nombre de réponses validées dans le temps ; 4) de préparer les analyses et les traitements statistiques à opérer suite aux exercices. Cette démarche exploratoire est donc imparfaite, comme toute recherche.
49% des réponses ont été validées par des femmes, 47% par des hommes, et 4% n’ont pas souhaité répondre à cette question. En termes d’âge, les classes (INSEE) des 30-34, 35-39 et 40-44 ans sont légèrement surreprésentées (elles regroupent de 10 à 11% des réponses, et totalisent, ensemble, 31% de l’échantillon). Les classes 20-24, 25-29, 45-49 et 50-54 ans recueillent chacune plus de 9% des répondants. La part des + de 75 ans est relativement faible (3%). La pyramide des âges de l’échantillon est toutefois satisfaisante (tous les âges de 15 à + de 75 ans ont au minimum 3% de réponses), même s’il est difficile de statuer sur la représentativité des données. La variabilité du nombre de répondants (Figure 1) est liée à la densité des individus présents au moment de la diffusion des notifications, et à la taille des zones dessinées. Certaines zones correspondaient à des cercles, avec des rayons de 300 et jusqu’à 1 600m (pour les emprises des Plans particuliers d’intervention (PPI)), d’autres avaient été fondés sur des formes géométriques (rectangle) ou sur la limite des zones inondables. A titre d’exemple, le 22 juin 2022, les polygones dans lesquels l’alerte a été simultanément diffusés étaient petits (4 cercles de 2 km2), mais l’alerte a sans doute été diffusée à plus de 10 000 personnes. L’heure et le jour des exercices ont aussi une influence (par exemple, un jeudi matin, en semaine ouvrée dans le Vaucluse, ce qui a généré un nombre de réponses plus élevé chez les 55-65 ans). On sait par ailleurs que la diffusion réelle a dépassé quelque peu les limites géographiques des zones dessinées pressenties dans FR-Alert.
Les résultats présentés ici ont été cumulés sur les 7 570 réponses complétées. A la réception de la notification (Figure 3), les répondants déclarent avoir ressenti de la surprise (82,6%), de la curiosité (76,4%), du stress (40,5%), mais aussi de la peur (39,6%), de l’incompréhension (39,3%), et parfois de l’agacement (11,1%). En cas d’alerte réelle, les répondants déclarent qu’ils auraient su comment réagir (76,7%), et qu’ils ont regardé autour d’eux (51,9%), ce qui vient confirmer ici le biais de confirmation, connu en psychologie (« je regarde ce que font les autres face à une sollicitation inconnue »). De façon plus ciblée, on observe que les 35-44 ans sont plus nombreux à déclarer avoir l’intention d’aller chercher leurs enfants à l’école, surtout si rien n’est indiqué dans les consignes (36,3%), alors que ce chiffre baisse à 16,8% si cette consigne est présente dans la notification des exercices (ici, indiquée en cas d’inondation).
En complément, des questions spécifiques ont porté sur les invariants servant de guide pour rédiger les contenus des messages testés. Pour l’équipe projet, cet objectif était fondamental, car si l’état des connaissances scientifiques et opérationnelles a abouti à des préconisations, le contenu des messages avait été testé dans quelques contextes (Douvinet, 2022), mais pas auprès d’une large population. Et les résultats sont, eux-aussi, très intéressants (Figure 3) :
Les 7803 réponses collectées sont intéressantes car elles confirment le poids accordé aux 6 invariants pour la définition du contenu des notifications. Certaines recommandations n’ont pas toujours été prises en compte par les autorités décisionnaires (pas de structuration ni de hiérarchisation des consignes ; absence d’éléments décrivant la nature du danger). Ces choix se traduisent vite dans les avis des publics : à titre d’exemple, les pourcentages d’avis positifs émis sur la clarté des consignes ont baissé de 17 points par rapport à la moyenne, pour une notification où aucune consigne n’était clairement indiquée. Les exercices à venir dès 2023 seront l’occasion de collecter encore plus de réponses et de diversifier les contextes (autre type de danger ou de menace ; augmentation des exercices en outre-mer…), et de rendre les tendances présentées ici encore plus robustes. L’équipe conduit aussi d’autres analyses (pour combiner les réponses à certaines questions, et identifier des profils de répondants), tout en explorant les commentaires qualitatifs déposés à la fin du questionnaire.
Les exercices tout comme la nouveauté de ce système d’alerte sont en tous cas positifs pour une majorité des publics sollicités. Des pistes d’améliorations ont même été proposées par certains individus (affichage d’un logo officiel FR-Alert ou de la préfecture, permettant d’éliminer la crainte d’un spam par exemple). D’autres commentaires sont en revanche plus discutable (certains disent avoir vus la mention exercice tardivement, ou avoir eu peur). Après six mois d’exercices avec FR-Alert, une storymap en ligne a aussi été réalisée, et elle est mise à jour une fois par mois.
C’est ici : https://storymaps.arcgis.com/stories/1aa7849e09094cdf9b8936e0faecd52c
Remerciements
Ces expérimentations ont été financées dans le cadre d’une convention signée entre la DNUM et Avignon Université sur l’année 2022. On souhaite aussi remercier toutes les personnes qui ont observé les publics ou les autorités durant les expérimentations, au sein des COD ou sur le terrain, en particulier Noé Carles, Allison César, Yasmine Drihem, Béatrice Gisclard, Gilles Martin, Chaimae Mouh, Marc Sénant, Matthieu Vignal, Karine Weiss.
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